Type de document
Rapports de recherche scientifique
Année de publication
2012
Langue
Français
Résumé
Les vibrocompacteurs à tambour unique sont largement utilisés pour le compactage des sols et la construction des routes. Il s'agit essentiellement de véhicules articulés composés d'un tambour vibrateur (rouleau) à l'avant et d'un tracteur à deux roues à l'arrière. Le tambour renferme une masse rotative excentrique dont la vibration assure un compactage efficace du sol. Les interactions dynamiques du tambour et des pneus avec le sol, jumelées au comportement dynamique du véhicule articulé à charge asymétrique, soumettent l'opérateur à des niveaux de vibrations globales du corps (VGC) de grande amplitude à travers le siège du véhicule, lequel se réduit à un coussin de mousse de polyuréthane dans la plupart des véhicules en usage au Québec. Cette étude examine les caractéristiques des vibrations et l'exposition aux VGC des opérateurs de vibrocompacteurs à tambour unique au moyen de mesures, et présente les classes spectrales de vibrations susceptibles d'être applicables à l'établissement de mesures d'intervention appropriées. Deux séries d'essais ont été entreprises afin de caractériser les vibrations mécaniques propres aux véhicules de même que l'exposition des opérateurs aux vibrations. La première série d'essais a été menée sur une piste d'essai sous conditions contrôlées en ce qui a trait à la vitesse des véhicules, à l'amplitude des vibrations causées par la masse en rotation à l'intérieur du tambour, ainsi qu'aux propriétés du sol. L'objectif en était de déterminer les comportements vibratoires des véhicules sous forme de fréquences dominantes et de modes de vibration probables. La seconde série d'essais a été menée sur deux chantiers distincts du Québec afin de quantifier et d'évaluer l'exposition aux VGC dans des conditions de travail réelles.
Les essais sur le terrain étaient conçus pour mesurer les caractéristiques des vibrations transmises par les véhicules sur les chantiers selon deux modes d'opération : en compactage et en transit. Les variations relatives à la densité du sol et à l'amplitude du vibrateur en mode de compactage ont aussi été prises en considération pour ce qui est de l'étude des plages de vibrations transmises. Chaque série d'essais portait sur deux véhicules différents et représentatifs des compacteurs en usage au Québec. La série d'essais sous conditions contrôlées a été menée avec deux compacteurs de 10 tonnes neufs (un 4 cylindres et un 6 cylindres), sur sols de faible et forte densité avec réglage de l'amplitude du vibrateur à « basse » et « haute » en mode de compactage, et à une vitesse presque constante de 10 km/h en mode de transit. La série d'essais sur les chantiers a été menée avec i) un compacteur de 10 tonnes, âgé de 7 ans, considéré par les opérateurs comme étant représentatif de la « moyenne » des véhicules en usage sous l'angle des VGC, et ii) un compacteur de 13 tonnes, âgé de 2 ans, tenu pour être un des rares véhicules offrant une réduction des vibrations ; les conditions d'opération étaient entièrement à la discrétion des opérateurs.
Les véhicules de la série d'essais contrôlés sur piste ont été équipés d'instruments de mesure de vibrations afin de caractériser leurs propriétés vibratoires. Les mesures relatives aux véhicules d'essai sur le terrain ont uniquement porté sur les vibrations de translation et de rotation de la cabine et du siège de l'opérateur aux fins de caractérisation et d'évaluation de l'exposition. Les essais sur le terrain comprenaient par ailleurs des essais répétés aussi bien en compactage qu'en transit. La première série comportait 27 et 23 essais, respectivement, pour les véhicules à 4 et 6 cylindres, et la deuxième série comportait 19 et 15 essais, respectivement, pour les véhicules de 10 et 13 tonnes. Les résultats obtenus lors d'essais comparables ont affiché une répétabilité raisonnablement bonne, et ont donc été combinés pour définir les plages des spectres de vibration le long des axes longitudinal (x), latéral (y), vertical (z), de tangage (θ) et de roulis (φ).
Les mesures effectuées ont révélé que le comportement vibratoire de tels véhicules dépend fortement du mode d'opération. En mode de compactage, les véhicules fonctionnent invariablement à très basse vitesse – de l'ordre de 3 km/h – et leur comportement vibratoire est principalement déterminé par les propriétés dynamiques du sol et la force centrifuge exercée par la masse rotative excentrique (qualifiée d'« amplitude du vibrateur »), notamment par sa fréquence angulaire, de près de 30 Hz. Le compactage des surfaces de forte densité provoque souvent un sautillement du tambour (perte de contact avec la surface du sol), ce qui donne une vibration dominante correspondant à la moitié de la fréquence angulaire (15 Hz). L'amplitude des vibrations de basse fréquence était généralement faible dans ce mode d'opération.
L'amplitude des vibrations de basse fréquence augmentait toutefois considérablement en mode de transit et ce, le long de tous les axes, en raison des interactions dynamiques du tambour et des pneus avec le sol accidenté, ainsi que des vitesses plus élevées (près de 10 km/h). Les données obtenues pendant les essais sur les chantiers ont été utilisées pour caractériser les vibrations transmises à la cabine et au siège. On a par ailleurs tenté de grouper les données des essais en compactage correspondant à deux amplitudes de vibrateur différentes, soit la « basse » et la « haute ». Cela n'a toutefois été possible que pour le véhicule de 10 tonnes, puisque l'opérateur du véhicule de 13 tonnes avait choisi d'effectuer tous les essais en réglant l'amplitude à « basse ». Les variations d'amplitude du vibrateur ont eu des effets notables sur les vibrations de basses fréquences (< 10 Hz), et plus importants encore sur les vibrations de hautes fréquences (>10 Hz), tout particulièrement à 15 Hz. Les fréquences dominantes des deux véhicules étaient assez comparables à celles fournies par les données obtenues sur la piste d'essai lors du compactage d'un sol de forte densité, bien que l'amplitude des vibrations ait été beaucoup plus élevée sur le véhicule de 10 tonnes. Par contre, l'amplitude des vibrations s'est avérée beaucoup plus faible sur le véhicule de 13 tonnes, en partie à cause du mode de compactage à « basse » amplitude.
L'amplitude des vibrations de basses fréquences sur les chantiers était généralement plus faible que l'amplitude mesurée sur la piste d'essai pour le compacteur de 10 tonnes. Cela est surtout attribuable à la vitesse de transit relativement moins élevée sur les chantiers que sur la piste d'essai (près de 10 km/h). Les spectres de vibrations du compacteur de 13 tonnes ont généralement révélé une amplification des vibrations au niveau des supports de cabine et du siège. Les données ont été utilisées pour déterminer les plages de vibrations pouvant servir à définir les classes spectrales de vibrations et pour explorer de meilleures façons de concevoir les supports de cabine, les supports de tambour et les sièges à suspension afin de réduire la transmission des vibrations de basses fréquences. Ces spectres pourraient également être utilisés dans le cadre d'une approche de conception fondée sur la simulation pour vérifier la dynamique des modèles de véhicules.
Les données ont ensuite été analysées pour évaluer l'exposition aux VGC à l'aide de la norme ISO 2631-1 et de la directive 2002/44/CE de la Communauté européenne (CE). Le compacteur de 10 tonnes présentait des valeurs d'exposition beaucoup plus élevées en mode de compactage que le véhicule de 13 tonnes, ce qui s'explique vraisemblablement par le réglage de l'amplitude à « basse » sur ce dernier. En mode de transit, le compacteur de 13 tonnes présentait des valeurs de vibration pondérées en fréquence beaucoup plus élevées au niveau de la cabine, ce qui peut en partie s'expliquer par des vibrations de roulis et de tangage accrues par rapport au compacteur de 10 tonnes. Le coussin du siège du compacteur de 10 tonnes causait néanmoins une amplification de près de 60 % des vibrations de la cabine, alors que cette amplification n'était que de 16 % dans le cas du siège à suspension monté sur le compacteur de 13 tonnes. Les valeurs d'exposition journalière A(8) pour les deux machines ont été calculées selon trois schémas d'exposition différents, fondés sur les durées de compactage et de transit, soit 6,00, 6,25 et 6,50 heures de compactage, et 1,00, 0,25 et 0,50 heure de transit, respectivement, avec 1 heure d'activités dans un environnement exempt de vibrations. La moyenne des valeurs d'exposition A(8) basée sur les vibrations du siège du compacteur de 10 tonnes dépassait la valeur d'action de 0,5 m/s2 recommandée dans la directive de la CE et ce, pour les trois schémas d'exposition pris en compte. Les valeurs d'exposition aux vibrations de la cabine n'étaient que légèrement supérieures à la valeur d'action pour les trois schémas. Les valeurs moyennes d'exposition journalière aux vibrations de la cabine sur le compacteur de 13 tonnes étaient bien inférieures à la valeur d'action, alors qu'elles approchaient 0,47 m/s2 au niveau du siège. Les valeurs d'exposition obtenues pour ce véhicule ne l'ont toutefois été qu'avec un réglage de l'amplitude du vibrateur à la position « basse ». Le compactage avec un réglage de l'amplitude à « haute » pourrait produire des valeurs d'exposition plus élevées.
Ces résultats suggèrent que l'utilisation d'un siège à suspension dûment adapté serait indispensable pour maintenir l'exposition en deçà de la valeur d'action, surtout dans le cas du compacteur de 10 tonnes, soit le véhicule le plus représentatif des compacteurs utilisés au Québec. Il a été observé que le siège de la plupart des compacteurs en usage au Québec n'est pas équipé d'une suspension et que la suspension de la cabine se limite à deux supports en caoutchouc. Il est aussi recommandé d'examiner de plus près la conception des sièges à suspension montés sur les véhicules plus récents et leur adaptation réelle au contexte de travail sur le terrain pour ce qui est de limiter les vibrations transmises à l'opérateur. D'autres efforts visant à déterminer les supports de cabine optimaux sont également souhaitables et recommandés afin de limiter l'exposition aux VGC.
Abstract
Single-drum vibratory compactors are widely used for compaction of soils and road building. Such compactors are basically articulated vehicles comprising a vibratory drum (roller) as the front unit and a single-axle tractor as the rear unit. The drum integrates an eccentric rotating mass to achieve efficient soil compaction through vibration of the eccentric mass. The dynamic interactions of the drum and the tires with the terrain, coupled with dynamics of the articulated vehicle with asymmetric load distribution, yield comprehensive magnitudes of whole-body vibration (WBV) to the seated operator through the seat, which in most vehicles used in Québec is limited to a polyurethane foam cushion. This study investigates vibration properties and operator exposure to WBV of single-drum vibratory soil compactors through measurements, and presents spectral classes of vibration that could be applied for identifying desired interventions. Two test series were undertaken to characterize the mechanical vibration properties of the vehicles and vibration exposure of the operators. The first test series was performed on a test-track under controlled conditions, namely, the speed, the amplitude of vibration due to the rotating mass integrated within the drum and the soil properties. The objective was to determine the vibration behaviours of the vehicles in terms of dominant ride frequencies and probable vibration modes. The second test series was undertaken at two different worksites in Québec in order to quantify and assess the WBV exposure under typical working conditions.
The field test series was designed to measure vibration transmission properties of the vehicles at the worksites in two distinct operating modes: compaction and transit. The variations in soil density and vibrator amplitude in the compaction mode were also considered to study the ranges of transmitted vibration. Each test series involved two different vehicles representing the greatest population of vehicles used in Québec. The controlled conditions test series employed two brand-new 10-ton compactors (a 4-cylinder and a 6-cylinder machine), compaction of low-density and high-density soils with ‘low’ and ‘high’ settings of the vibrator amplitude, and transit at a nearly constant speed of 10 km/h. The worksite test series employed: (i) a 7-year-old 10-ton compactor, introduced by operators as the “average” vehicle from the WBV standpoint; and (ii) a 2-year-old 13-ton compactor, introduced as one of few equipments representing improved vibration performance, while the operating conditions were entirely selected by the operators.
The vehicles in the controlled test series were instrumented to measure vibration responses for characterizing their vibration properties. The measurements of vehicles at the worksites were limited to translational and rotational vibrations of the cabin and operator seat for characterization and assessment of the exposure. The field tests also involved repeated compaction and transit runs. The first series involved 27 and 23 runs, respectively, for the 4- and 6-cylinder vehicles, while the second series comprised 19 and 15 runs for the 10- and 13-ton vehicles, respectively. The results obtained for comparable runs revealed reasonably good repeatability, and were thus combined to define the ranges of vibration spectra along the longitudinal (x), lateral (y), vertical (z), pitch (θ) and roll (φ) axes.
The measurements revealed that the vibration behaviour of such vehicles is strongly dependent upon the mode of operation. In the compaction mode, the vehicles invariably operate at very low speeds, in the order of 3 km/h, and the vibration behaviour is mostly determined by dynamic properties of the soil and the centrifugal force due to rotating eccentric mass (referred to as the amplitude of the vibrator), particularly its angular speed (near 30 Hz). Compaction of high-density surfaces often causes hopping motion of the drum (loss of contact with the terrain surface), which resulted in dominant vibration at one-half the angular frequency (15 Hz). The magnitude of low frequency vibration was generally small in this mode of operation.
The magnitude of low frequency vibration, however, increased considerably in the transit mode along all the axes due to dynamic interactions of the drum and tires with the uneven terrain, and higher speeds (near 10 km/h). The measured data acquired during the worksite runs were used to characterize the vibration transmitted to the cabin and the seat. Attempts were made to group the compaction runs data corresponding to two different vibrator amplitudes, ‘low’ and ‘high’. This could, however, be achieved only for the 10-ton vehicle, since the operator of the 13-ton vehicle opted to perform all the runs with only the ‘low’ amplitude setting. The variations in the vibrator amplitude revealed notable effects on the low frequency vibration (< 10 Hz), while the effect on high frequency vibration (>10 Hz) was most significant, particularly at 15 Hz. The dominant ride frequencies of the two vehicles were quite comparable to those observed from the data acquired at the test track during high-density soil compaction, although the magnitude of vibration of the 10-ton machine was considerably higher. The vibration magnitude of the 13-ton machine, however, was considerably lower, in-part due to the ‘low’ amplitude compaction.
The magnitude of low frequency vibration at the worksites was generally lower than that measured on the test track for the 10-ton machine. This was mostly attributable to relatively lower transit speed at the worksites than the speed used on the test track (near 10 km/h). The vibration spectra of the 13-ton machine generally revealed amplification of vibration by the cabin mounts and the seat. The data were used to determine the ranges of vibration, which could be applied to define spectral classes of vibration and to explore better designs of the cabin mounts, the drum mounts and the suspension seat to reduce transmission of low frequency vibration. These spectra would also be applicable for simulation-based design approach in verifying the dynamic of vehicle models.
The measured data were subsequently analyzed to assess WBV exposure using ISO-2631-1 and EC (European Community, EN 2002/44/EC) guidelines. The 10-ton unit revealed considerably higher exposure values in compaction compared to the 13-ton machine, which was most likely due to the ‘low’ amplitude compaction by the latter machine. In the transit mode of operation, the 13-ton machine revealed considerably higher values of frequency-weighted cabin vibration, which was partly attributed to its higher roll and pitch vibration compared to the 10-ton machine. The cushion seat of the 10-ton machine, however, caused nearly 60% amplification of the cabin vibration. This amplification was only 16% for the suspension seat employed in the 13-ton machine. The daily exposure values, A(8), for the two machines were computed considering three different exposure patterns of compaction and transit durations: 6, 6.25 and 6.5 hours of compaction and 1, 0.25 and 0.5 hours of transit, respectively, together with 1 hour of other activities in a vibration-free environment. The mean A(8) values based on the seat vibration of the 10-ton machine exceeded the daily exposure action value of 0.5 m/s2 recommended in the EC directive, for all the three exposure patterns considered. The exposure values corresponding to the cabin vibration were only slightly above the action value for all three patterns. The mean daily exposure values for the 13-ton machine based on the cabin vibration were considerably lower than the action value, while those based on the seat vibration approached 0.47 m/s2. The exposure values derived for this machine, however, would be applicable only for ‘low’ amplitude setting of the vibrator. The compaction with ‘high’ amplitude setting may yield higher exposure values.
These results suggest that the use of an adequately tuned suspension seat would be vital for limiting the exposure below the action value, particularly for the 10-ton machine, which is most representative of the compactors used in Québec. It was observed that most of the compactors used in Québec do not employ a suspension at the seat and the cabin suspension is limited only to rubber mounts. Further efforts are also recommended to examine the design of suspension seats used in the newer vehicles and their actual adjustment in the field to limit the transmitted vibration. Further efforts in identifying optimal cabin mounts are also desirable and recommended for limiting the WBV exposure.
English version of this report is available at https://pharesst.irsst.qc.ca/rapports-scientifique/308
ISBN
9782896316021
Mots-clés
Vibration au corps entier, Whole-body vibration, Conduite de véhicule, Driving, Engin de compactage, Soil compacting equipment, Mesure des vibrations, Vibration measurement, Siège de conducteur, Driver seat, Évaluation de l'exposition, Exposure evaluation, Québec
Numéro de projet IRSST
0099-8380
Numéro de publication IRSST
R-735
Citation recommandée
Rakheja, S., Kordestani, A. et Marcotte, P. (2012). Évaluation de l'exposition aux vibrations globales du corps chez les opérateurs de compacteurs de sol (Rapport n° R-735). IRSST. https://pharesst.irsst.qc.ca/rapports-scientifique/307
