Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2011

Langue

Français

Résumé

En 2001, l'IRSST a demandé à l'équipe de recherche du Dr Rivard d'évaluer le programme PRÉVICAP (PRÉVention des situations de handICAP au travail) mis en place dans quatre centres de réadaptation du Québec et impliquant onze directions régionales de la CSST. Ce projet pilote lancé en 2000 était le fruit d'une entente entre la CSST, l'IRSST et le Réseau en réadaptation au travail du Québec (RRTQ). Il a permis la prise en charge PRÉVICAP de 571 travailleurs ayant subi une lésion professionnelle entre 2001 et 2004.

Le programme PRÉVICAP est fondé sur une série de réflexions et travaux novateurs en réadaptation au travail réalisés à l'Université de Sherbrooke au début des années quatre-vingtdix. Cette intervention vise le retour au travail prélésionnel et consiste, entre autres, en une prise en charge interdisciplinaire et précoce des travailleurs atteints d'une lésion musculosquelettique (LMS) à risque d'incapacité prolongée, en partenariat avec tous les acteurs affectés par la lésion (travailleur ayant subi une lésion professionnelle, employeur, gestionnaires et conseillers en réadaptation de la CSST, professionnels de la santé).

Le but de l'évaluation était de fournir à la CSST les éléments essentiels à une prise de décision éclairée quant à l'intérêt pour cet organisme d'adopter ou non le modèle PRÉVICAP pour traiter la problématique de l'incapacité au travail liée aux LMS, en fonction des conditions de sa mise en oeuvre (analyse d'implantation), de son efficacité (analyse d'impact) et de ses coûts et son rendement (analyse économique). Plusieurs méthodes de recherche ont été utilisées dont une étude de cas multiples afin de documenter, dans les quatre régions pilotes, le niveau et les variations de mise en oeuvre du programme, ainsi qu'une étude quasi-expérimentale afin d'estimer l'efficacité et le rendement du programme en comparant la situation avec programme PRÉVICAP (groupe expérimental) à la situation sans programme PRÉVICAP (groupe témoin) sur une période de trois ans après la lésion professionnelle.

Les résultats de l'analyse d'implantation indiquent que le programme a pu être implanté dans les centres de réadaptation et directions régionales de la CSST du projet pilote. Les entrevues menées auprès des professionnels de la CSST et des centres PRÉVICAP ont révélé que la mise en oeuvre a été similaire dans les quatre régions. La prise en charge était généralement tardive et longue, débutant en moyenne six mois après l'évènement, et durant en moyenne six mois. Les mêmes difficultés ont été vécues au sein de chaque région. La décision et le processus d'implantation du projet pilote ont été perçus comme trop centralisés; la valeur du programme et les critères de définition de la population-cible ne faisaient pas consensus; les acteurs ne comprenaient pas bien leur rôle et la communication entre eux était parfois ardue, rendant le partenariat plus difficile à établir; le programme était lourd sur le plan administratif; et la participation active de tous les acteurs, en particulier celle du travailleur ou de son employeur, pouvait être difficile voire impossible à obtenir.

Les analyses d'impact et économique portent sur la comparaison de travailleurs ayant reçu au moins une intervention PRÉVICAP (10 heures de services) à des travailleurs ayant reçu les services habituels. Notre évaluation suggère que le programme PRÉVICAP produit de meilleurs résultats que la prise en charge conventionnelle. Les travailleurs PRÉVICAP retournent de façon durable à leur emploi prélésionnel presque 3 fois plus rapidement et en plus grand nombre (55 % versus 29 % à deux ans postévènement). Ils cessent d'être indemnisés 1,7 fois plus rapidement,ce qui se traduit en moyenne par cinq mois et demi d'indemnités en remplacement de revenu (IRR) épargnés sur trois ans. En moyenne, le coût du programme PRÉVICAP est élevé, soit 19 000 $ par travailleur, et le coût total de la prise en charge sur une période de trois ans postévènement est plus élevé de 13 % pour un travailleur ayant reçu le programme que pour un travailleur ayant reçu uniquement les services habituels (60 873 $ versus 53 990 $). La différence de coûts est réduite à 4 % (53 242 $ versus 51 003 $) si l'on exclut de la comparaison les 22 travailleurs avec des coûts très élevés (supérieurs à 119 000 $). Étant donné le gain d'efficacité en termes de journées d'indemnisation (remplacement de revenu) sauvées, le rendement de la prise en charge incluant le programme PRÉVICAP s'avère statistiquement équivalent si l'on considère que chaque jour sauvé vaut 10 $; ce rendement est statistiquement supérieur, avec une économie moyenne estimée à 10 000 $ par travailleur, si l'on est prêt à considérer que chaque jour sauvé vaut 60 $. Les résultats suggèrent une efficacité et un rendement particulièrement élevés lorsqu'un travailleur n'a pas été indemnisé par la CSST au cours des cinq années précédant le présent épisode d'indemnisation. Par ailleurs, les travailleurs PRÉVICAP sont très satisfaits de leur passage dans le programme et sont plus satisfaits des services reçus par la CSST que les travailleurs témoins. Trois ans après l'évènement, les niveaux de douleur et d'incapacité fonctionnelle sont toujours importants, tant chez les travailleurs PRÉVICAP que chez les témoins. Les travailleurs PRÉVICAP blessés au dos sont plus atteints que les témoins alors que c'est l'inverse pour les travailleurs blessés au cou et/ou aux membres supérieurs. Trois ans après l'évènement, les travailleurs PRÉVICAP et témoins recourent de façon similaire et encore importante à des médicaments, des services d'aide à domicile et/ou des équipements rendus nécessaires à cause de leur blessure.

Les travailleurs atteints de LMS et indemnisés depuis plusieurs mois représentent une population vulnérable en termes de prolongation de leur incapacité, une situation coûteuse pour l'organisme indemnisateur. En effet, parmi les travailleurs qui sont indemnisés pour une LMS, 20 % le sont durant plus de trois mois mais ceux-ci cumulent 75 % des frais en IRR. Notre évaluation fournit la première évidence scientifique quant à la valeur d'un programme de type PRÉVICAP pour une telle population, et plus particulièrement pour les travailleurs sans historique d'indemnisation, soit environ les trois quarts de cette population.

Le programme PRÉVICAP implique plusieurs acteurs. Au Québec, la mise en oeuvre à large échelle d'un programme de cette nature pose de nombreux défis. Les résultats de l'évaluation suggèrent que le programme en tant qu'innovation ou nouvelle façon de faire aurait plus de chances d'être accepté à la CSST par les responsables de directions régionales et les conseillers en réadaptation si ceux-ci participent aux décisions et processus relatifs à l'implantation dès le début, s'ils adhèrent à la philosophie de l'intervention, s'ils comprennent le fonctionnement du programme, les rôles respectifs des divers acteurs et la population visée par le programme. Puisque le succès du programme repose aussi largement sur les croyances et attitudes du travailleur, de l'employeur et du médecin traitant vis-à-vis du programme, il pourrait être opportun de développer une stratégie claire de promotion du programme auprès de ces acteurs. Un élément de cette stratégie serait la communication des évidences scientifiques concernant l'impact et le rendement du programme. Finalement, il pourrait être avantageux de réfléchir à des manières d'améliorer le partenariat et la communication entre les acteurs et d'alléger les procédures administratives du programme.

Les résultats de cette évaluation pourront contribuer à la prise de décision autour de la pertinence et du processus d'implantation du programme PRÉVICAP en vue de favoriser le retour au travail d'individus en situation d'incapacité prolongée.

Abstract

In 2001, the IRSST asked Dr. Rivard's research team to evaluate the PRÉVICAP program (PRÉVention des situations de handICAP au travail) in place in four Québec rehabilitation centres and involving 11 regional offices of the CSST. This pilot project, which was launched in 2000, was the result of an agreement between the CSST, the IRSST, and the Réseau en réadaptation au travail du Québec (RRTQ). It allowed for the management, under the PRÉVICAP program, of 571 workers who had sustained an employment injury between 2001 and 2004.

The PRÉVICAP program is based on a series of innovative discussions and projects conducted in the field of occupational rehabilitation by the Université de Sherbrooke in the early 1990s, and is designed to foster workers' return to their pre-injury jobs. It consists among other things, of the early and interdisciplinary management of workers with musculoskeletal injuries (MSIs) who are at risk of long-term disability, in partnership with all the stakeholders impacted by the injury (the worker who sustained the employment injury, employer, CSST case managers and health professionals).

The purpose of the evaluation was to provide the CSST with the elements needed to make an informed decision as to whether it would be in the CSST's interest to adopt the PRÉVICAP model to deal with the problem of MSI-related occupational disability, in light of the conditions required for its implementation (implementation analysis), its effectiveness (impact analysis) and its costs and performance (economic analysis). Several research methods were used, including a multiple-case study to document the level of and variations in program implementation in the four pilot regions, and a quasi-experimental study to assess the program's effectiveness and performance by comparing the situation for workers enrolled in the PRÉVICAP program (experimental group) to the situation for those who were not (control group) over a period of three years following the employment injury.

The results of the implementation analysis showed that the program was successfully implemented in the CSST's rehabilitation centres and regional offices involved in the pilot project. The interviews of the OHS professionals at the CSST and the PRÉVICAP centres revealed that the implementation process was similar in all four regions. Case management usually began late relative to the injury event and was lengthy, starting an average of six months after the event and lasting an average of six months. The same problems were encountered in each region. Both the decision to implement the pilot project and the implementation process itself were perceived as being too centralized; there was no consensus as to the value of the program and the criteria defining the target population; the stakeholders did not clearly understand their role and communication among them was sometimes arduous, making it difficult to establish a partnership; the program was cumbersome from an administrative standpoint; and the active participation of all the stakeholders, particularly of the workers and their employers, was sometimes difficult, if not impossible, to obtain.

The impact and economic analyses involved comparing the workers who had benefited from at least one PRÉVICAP intervention (10 hours of services) to workers who had received the usual services. Our evaluation suggests that the PRÉVICAP program produces better results than conventional management. The PRÉVICAP workers returned sustainably to their pre-injury job nearly three times faster and in greater numbers (55% versus 29% at two years post-event) than those in the control group. They also stopped receiving disability indemnities 1.7 times faster, which on average translated into a savings of five and a half months of income replacement indemnities (IRIs) over three years. Again on average, the cost of the PRÉVICAP program was high, i.e. $19,000 per worker, and the total cost of management over a three-year post-event period was 13% higher for a worker enrolled in the program than for one who received only the usual services ($60,873 versus $53,990). The difference in costs drops to 4% ($53,242 versus $51,003) if we exclude from the comparison the 22 workers whose cases entailed very high costs (over $119,000).

Taking into account the efficiency gains in terms of indemnification days (income replacement indemnities) saved, the performance of the case management process including the PRÉVICAP program was statistically equal to that of management without the program if we consider that each day saved was worth $10; this performance is statistically superior, with an average estimated savings of $10,000 per worker if we are prepared to consider that each day saved is worth $60. The results suggest particularly high program effectiveness and performance in cases where the worker had not been indemnified by the CSST in the five years prior to the current indemnification period. Furthermore, the PRÉVICAP workers were very satisfied at having completed the program and more satisfied with the services received from the CSST than were the workers in the control group. Three years post-event, pain levels and functional disability levels were still high in both the PRÉVICAP and control group workers. The PRÉVICAP workers with back injuries were more impaired than the control group workers, whereas the reverse was true for the workers with neck and/or upper limb injuries. Again, three years post-event, the PRÉVICAP and control group workers made similar and even greater use of the medication, home support services and/or equipment required due to their injury.

Workers with MSIs and who have been receiving indemnities for several months represent a vulnerable population in terms of long-term disability, a costly situation for the indemnifying agency. In fact, among the workers indemnified for an MSI, 20% are indemnified for more than three months, yet they account for 75% of the IRI costs. Our evaluation provides the first scientific evidence regarding the value of a PRÉVICAP-type program for such a population, and more specifically, for workers with no history of indemnification, who represent approximately three-quarters of this population.

The PRÉVICAP program involves several stakeholders. In Québec, the large-scale implementation of a program of this nature poses a number of challenges. The results of the evaluation suggest that, as an innovation or new practice, the program would have greater chances of being accepted at the CSST by the heads of the regional offices and the rehabilitation counsellors if they were to participate in the decisions and processes related to the implementation right from the outset, if they subscribed to the philosophy underlying the intervention, and if they understood how the program works, as well as the respective roles of the various stakeholders and the program's target population. Since the program's success is largely contingent upon the beliefs and attitudes of the worker, employer and attending physician regarding the program, it may be advisable to develop a clear strategy for promoting the program in the eyes of these stakeholders.

One component of this strategy would be passing on the scientific evidence available about the program's impact and performance. Lastly, it may be worthwhile to think of ways to improve the partnership and communication among the stakeholders and to lighten the administrative procedures associated with the program. The results of this evaluation may help in decision making about the relevance of implementing the PRÉVICAP program and about the implementation process itself, ultimately with the aim of promoting the return to work of individuals on long-term disability.

ISBN

9782896315833

Mots-clés

Troubles musculosquelettiques, Musculoskeletal disease, Maintien en emploi, Job maintenance, Invalidité de longue durée, Long-term disability, Évaluation des programmes, Program evaluation, Réparation-accidents et maladies, Work compensation, Réadaptation physique, Physical rehabilitation, Analyse coût-avantage, Cost benefit analysis, Québec

Numéro de projet IRSST

0099-2820

Numéro de publication IRSST

R-716

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