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Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2012

Langue

Anglais

Résumé

Cette recherche s'inscrit dans la foulée des travaux publiés au Québec depuis les années 1990 qui ont contribué à l'émergence d'un nouveau champ de recherche sur le travail rémunéré chez les étudiants. Ces travaux s'intéressent plus particulièrement à l'incidence du travail rémunéré sur les études. Cependant, rares sont ceux qui ont directement abordé les atteintes potentielles à la santé en lien avec le travail rémunéré des étudiants, notamment les accidents de travail, les troubles musculo-squelettiques (TMS), la détresse psychologique et la fatigue.

Bien que les étudiants travailleurs soient moins à risque de lésions professionnelles que les jeunes décrocheurs, l'accroissement du cumul études-travail au cours des 20 dernières années nous a amenés à nous préoccuper de cette réalité. En effet, en comparaison avec leurs homologues de neuf pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les jeunes Canadiens se classent premiers pour ce qui est du nombre moyen d'heures hebdomadaires consacrées au travail rémunéré et aux activités non rémunérées pendant la semaine d'école (Marshall, 2007). Afin de mieux cerner les enjeux de santé et de sécurité du travail (SST) liés à ce phénomène en pleine croissance, le présent projet vise à déterminer les effets du cumul d'activités et du cumul de contraintes de travail sur la SST d'étudiants qui travaillent pendant leurs études, en tenant compte du fait qu'ils sont aussi un groupe à risque de somnolence excessive.

Un total de 94 jeunes âgés de 19 à 21 ans qui cumulent études et emploi(s) ont été recrutés à partir d'une enquête longitudinale en cours portant sur les cheminements scolaires, les habitudes de vie et la SST. Une première entrevue semi-dirigée, réalisée au début de la session scolaire, a permis d'établir le profil des activités de ces jeunes, les caractéristiques de leur travail rémunéré et les contraintes de travail auxquelles ils sont exposés. Ceux-ci ont ensuite complété un journal de bord et ont porté un actigraphe pendant 14 jours consécutifs de façon à quantifier le cumul d'activités et documenter les habitudes de sommeil. Des questionnaires validés ont également été complétés afin d'évaluer la présence et la sévérité de divers symptômes de SST (TMS, détresse psychologique, fatigue, problèmes de sommeil, etc.). À la fin de la session scolaire, une deuxième entrevue semi-dirigée a permis de documenter les modifications ayant pu survenir dans le profil des activités et dans les contraintes de travail au cours de la session scolaire, consigner les stratégies utilisées par les jeunes pour s'adapter auxdites contraintes et clarifier la relation entre les caractéristiques de travail et les symptômes de SST.

Sans surprise, la majorité des emplois occupés par les étudiants se retrouve dans les secteurs d'activités traditionnellement investis par les jeunes travailleurs comme le commerce de détail, l'hébergement et la restauration. Cependant, notre étude montre que dès l'âge de 19 ans, certains participants commencent à occuper des emplois de niveau technique en lien avec leur domaine d'étude, emplois qui nécessitent habituellement davantage de qualifications; cela s'avère plus souvent le cas des filles occupant des emplois dans les soins de santé ou en éducation. Notre étude montre également que le profil des activités caractérisant le cumul études-travail n'est pas stable dans le temps, mais fluctue de manière notable, particulièrement en ce qui a trait à l'emploi. De façon générale, les étudiants qui occupent un ou des emplois ne tentent pas d'alléger leurs exigences scolaires en diminuant, par exemple, leur nombre hebdomadaire d'heures de cours. Ainsi, les heures dédiées au travail rémunéré viennent simplement s'ajouter aux heures de cours, de travaux scolaires et d'études. À cet effet, la situation semble plus préoccupante pour les étudiants du collégial et pour ceux complétant un diplôme d'études professionnelles (DEP) ou qui sont inscrits à la formation générale des adultes (FGA).

La présente étude révèle également que les étudiants qui occupent un emploi en cours d'études font face à toute une gamme de risques au regard de leur santé et que les caractéristiques de l'emploi occupé, les horaires de travail et les parcours d'emploi ont un impact sur différents indicateurs de santé. Plus précisément, deux filles sur cinq et près d'un garçon sur cinq rapportent un niveau de fatigue générale réputé nécessiter une consultation médicale. De manière plus spécifique, les analyses ont identifié le cumul de contraintes organisationnelles de travail, en plus de la demande psychologique, du soutien social au travail, et le fait d'avoir occupé un plus grand nombre d'emplois depuis l'âge de 15 ans comme des facteurs associés à la sévérité de la fatigue chronique reliée au travail. Bien que la majorité de ces étudiants travailleurs ne considère pas leur charge de travail comme trop élevée, un participant sur cinq perçoit tout de même son travail rémunéré comme étant difficile, fatigant, exigeant et stressant. Nos résultats montrent aussi qu'environ la moitié des étudiants travailleurs ont des problèmes de sommeil.

Dans une enquête réalisée auprès de cette même population d'étudiants travailleurs lorsqu'ils étaient âgés de 17-18 ans (Ledoux et coll., 2008), nous avions constaté que plus de la moitié de ceux ayant déclaré avoir ressenti une douleur au cours de l'année précédant l'enquête l'avaient également ressentie au cours des sept derniers jours. Une fois de plus, il appert que les étudiants qui détiennent un travail rémunéré pendant les études s'avèrent une population aux prises avec une certaine persistance ou chronicité dans les douleurs musculo-squelettiques perçues puisque la presque totalité (91,3 %) de ceux ayant ressenti une douleur à au moins un endroit du corps au cours des 12 derniers mois précédant la présente étude l'ont aussi ressentie au cours de la semaine la précédant. Encore une fois, les filles se démarquent des garçons quant au nombre moyen de sites de douleurs rapporté. Nos résultats suggèrent également un lien entre le nombre de contraintes physiques auquel les étudiants travailleurs sont exposés dans le cadre de leur(s) emploi(s) et la présence de douleurs causées par le travail rémunéré. De plus, les jeunes qui ressentent de la douleur en lien avec leur emploi y subissent généralement une plus forte demande psychologique.

Enfin, notre étude montre que les jeunes rapportent souvent de la gêne, de l'inconfort et des blessures à la suite d'un événement accidentel. Dans bien des cas, ces effets à court terme ne se traduisent pas en termes d'absentéisme au travail puisque le travail à temps partiel (TTP) est de nature telle que la période séparant deux journées de travail est souvent suffisante pour se remettre de ces conséquences. Ainsi, on peut ici concevoir la limite de l'indicateur jugeant de la gravité d'une lésion professionnelle à partir de la durée d'absence lorsqu'il s'agit d'un TTP. De plus, nos résultats suggèrent que la survenue d'un premier accident de travail au tout début du parcours professionnel, souvent à l'adolescence, augmente le risque d'en subir un autre par la suite. Finalement, ce rapport se termine par la présentation de quelques pistes d'intervention et de recherche.

Abstract

This study is part of the work published in Québec since the 1990s that has contributed to the emergence of a new field of research on paid work and students. This research is mainly focused on the impact of paid work on studies. However, only a few studies have addressed the potential health impacts related to students' paid work, in particular occupational accidents, musculoskeletal disorders (MDSs), psychological distress and fatigue.

While student workers are at lower risk of occupational injuries than young dropouts, the increase in the school-work combination in the last 20 years led us to focus on this reality. In fact, compared with their counterparts in nine countries of the Organization for Economic Co-operation and Development (OECD), young Canadians rank first in the average number of weekly hours devoted to paid work and unpaid activities during the school week (Marshall, 2007). To better identify the occupational health and safety (OHS) issues related to this growing phenomenon, the present project aims to determine the effects of the combined activities and combined work constraints on the OHS of students who work during their studies, by taking into account the fact that they are also a group at risk of excessive drowsiness.

A total of 94 young people from 19 to 21 years of age combining studies and employment were recruited using an existing longitudinal survey on educational pathways, lifestyles, and OHS. A first semi-structured interview, conducted at the start of the school session, established the profile of these young people's activities, the characteristics of their paid work, and the work constraints to which they were exposed. They then completed a log and wore an actigraph for 14 consecutive days to quantify their combined activities and to document their sleep habits. Validated questionnaires were also completed to evaluate the presence and severity of various OHS symptoms (MSDs, psychological distress, fatigue, sleep problems, etc.). At the end of the school session, a second semi-structured interview documented the changes that may have occurred in the profile of the activities and in the work constraints during the school session, documenting the strategies used by the young people to adapt to the said constraints and clarifying the relationship between work characteristics and OHS symptoms.

Not surprisingly, the majority of the jobs held by the students were in the activity sectors traditionally occupied by young workers, such as retail sales, the accommodation industry, and the food service industry. However, our study shows that at the age of 19, some participants began to occupy technical level jobs related to their field of study, jobs that usually require more qualifications; this was most often the case for girls with jobs in health care or in education. Our study also shows that the profile of the activities characterizing the studies-work combination was not stable over time, but fluctuated significantly, particularly regarding their job. In general, students with one or more jobs did not try to lighten their school requirements by reducing, for example, their weekly number of course hours. The hours dedicated to paid work simply added to the course hours, school work hours, and study hours. On this point, the situation seems of more concern for college students and for those completing a high school vocational diploma or registered in general adult education.

This study also shows that students with a job during their studies have to deal with a complete range of health risks, and that the characteristics of the job, the work schedules, and the employment paths have an impact on different health indicators. More precisely, two girls out of five and about one boy in five reported a general level of fatigue considered as requiring a medical consultation. More specifically, the analyses identified the combined work organization constraints, in addition to the psychological demand, social support at work, and the fact of having held a greater number of jobs since age 15 as factors associated with the severity of the chronic work-related fatigue. While the majority of these student workers did not consider their workload as too heavy, one participant in five nevertheless perceived his paid work as being difficult, tiring, demanding and stressful. Our results also show that approximately half of the student workers had sleep problems.

In a survey carried out on this same population of student workers when they were 17–18 years of age (Ledoux et al., 2008), we noted that more than half of those who reported having felt pain in the year preceding the survey had also felt it in the last seven days. Once again, it seems that the students who have a paid job during their studies are a population dealing with a certain persistence or chronicity in the perceived musculoskeletal pain since almost all (91.3%) of those who had felt pain in at least one location of the body in the last 12 months preceding the current study also felt it during the week preceding the study. Once again, the girls stood out from the boys in the average number of pain sites reported. Our results also suggest a link between the number of physical constraints to which the student workers are exposed in the context of their job(s) and the presence of pain caused by the paid work. Also, the young people who feel job-related pain are generally exposed to a higher psychological demand.

Finally, our study shows that young people often report uneasiness, discomfort and injuries following an accidental event. In many cases, these short-term effects do not translate into absences from work because part-time work (PTW) is such that the period between two work days is often long enough to recover from these consequences. Thus, one can conceive here the limit of the indicator that assesses the severity of an occupational injury from the absence duration when it involves PTW. As well, our results suggest that the occurrence of an initial occupational accident at the very beginning of the professional path, often in adolescence, increases the risk of suffering another later. Finally, this report ends with the presentation of a few intervention and research scenarios.

ISBN

9782896316373

Mots-clés

Étudiant, Student, Travail à temps partiel, Part-time work, Santé et sécurité du travail, Occupational health and safety, Jeune travailleur, Young employee, Conditions de travail, Conditions of work, Accident du travail, Occupational accident, Troubles musculosquelettiques, Musculoskeletal disease, Santé mentale, Mental health, Fatigue, Commerce de détail, Retail trade, Industrie hôtelière, Hotel industry, Restaurant, Perturbation du sommeil, Sleep disturbance, Douleur, Pain, Rendement de travail, Work efficiency, Entrevue, Interview, Questionnaire, Évaluation des résultats, Evaluation of results, Québec

Numéro de projet IRSST

0099-5500

Numéro de publication IRSST

R-752

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