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Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2022

Langue

Français

Résumé

Les exercices physiques permettent de réduire la douleur et les incapacités chez les gens souffrant d’une lombalgie non aiguë (> 3-4 semaines), mais ces effets sont limités. Pour rehausser l’efficacité de ce type d’intervention, il faut déterminer quels patients répondent le mieux à chaque modalité d’exercice (arrimage patient/intervention) et pour quelles raisons (mécanismes sous-jacents). Dans la présente recherche, l’intérêt est porté à un programme d’exercices de stabilisation lombaire (PESL), une modalité active d’exercice gagnant en crédibilité et en popularité. Deux objectifs ont été poursuivis : (1) finaliser l’étape de dérivation de règles de prédiction clinique (RPC) de succès[1] pour dépister, lors de l’examen clinique, les patients qui répondront bien à ces exercices ; (2) étudier les mécanismes (d’origines physique, psychologique et neuromusculaire) mis en action par ces exercices à l’aide de mesures plus spécifiques permettant de décrire les effets du traitement. Une étude préliminaire menée auprès de 48 patients avait produit les résultats suffisants pour poursuivre le recrutement de patients additionnels et ainsi atteindre les effectifs nécessaires pour répondre à ces objectifs.

À partir des résultats de l’étude préliminaire, 64 patients additionnels (douleur depuis plus de 4 semaines) devaient être recrutés pour atteindre un échantillon de 107 patients, soit la taille d’échantillon totale nécessaire sur le plan statistique. Le programme d’exercice était réalisé sur 8 semaines (2 séances/semaine) dans des cliniques de physiothérapie. Les principales mesures de résultats [douleur ; perceptions d’incapacité (échelle Oswestry)], de même que plusieurs mesures par questionnaire (mesures psychologiques [PSY] associées à la douleur et à l’adhésion au traitement) ont été recueillies au début (T0), aux semaines 4 (T4), 8 (T8 - fin) du programme d’exercice ainsi qu’à six mois posttraitement (T34). Les autres mesures réalisables en milieu clinique et donc susceptibles d’être retenues pour le développement des RPC (objectif 1), soient les tests physiques (mesures de l’examen clinique en physiothérapie [PHT]) faits à l’aide d’un examen clinique, ont été réalisées à T0 et T8. Ces tests physiques comprenaient des tests d’instabilité articulaire (n = 4), de flexibilité (n = 6), de déficiences du contrôle sensorimoteur (n = 8), de performance physique (n = 4) et d’endurance musculaire (n = 3). Six tests en laboratoire ont aussi été réalisés à T0 et T8 pour étudier les mécanismes d’action d’origine neuromusculaire (mesures neuromusculaires [NRM]; pour l’objectif 2), chez un sous-échantillon de 77 patients.

Pour les deux objectifs, les analyses consistaient d’abord à former trois sous-groupes de patients en fonction de leur niveau de succès suivant le PESL (1. succès ; 2. amélioration cliniquement significative ; 3. échec), tel que mesuré avec le questionnaire Oswestry, mesurant la perception d’incapacité liée à un mal de dos. Ces analyses consistaient ensuite à comparer les deux groupes extrêmes (sous-groupes succès (GS) vs échec (GE)) afin de s’assurer qu’ils sont bien distinctifs. D’ailleurs, autant à T8 qu’à T34, les tailles d’effet du PESL correspondant au GS étaient beaucoup plus élevées que pour le GE. Ceci était attendu pour la mesure de perception d’incapacité, mais aussi observé, bien qu’à un degré moindre, pour l’intensité de la douleur.

Résultats et discussion en lien avec l’objectif 1 (développement des RPC) : les deux RPC de succès (à T8 et T34), toutes deux composées de tests ayant un lien théorique direct avec le concept d’instabilité lombaire, ont démontré une très bonne valeur prédictive. La RPC de succès à T8, dérivée avec 99 patients (GS + GE) pour prédire le succès à la fin du traitement clinique de 8 semaines a retenu quatre variables de l’examen physique. Lorsqu’au moins deux de ces variables sont positives, le rapport de vraisemblance positif est très élevé (LR+ = 17,9), permettant de rehausser la probabilité de succès du PESL de 49 % (sans utilisation de la RPC) à 96 % à T8, soit une amélioration de 47 % de cette probabilité de succès. Ces indicateurs de performance diagnostique sont supérieurs à la RPC préliminaire dérivée par Hicks et al., (2005) pour un PESL, composée de quatre variables, et offrant un LR+ de 4,0 et une probabilité de succès passant de 33 (sans RPC) à 67 % à T8 (amélioration de 34 %).

La RPC de succès à T34, dont la dérivation clinique est basée sur un échantillon de 89 patients pour prédire le succès après une période de suivi de six mois, a retenu trois variables prédicatrices ajustées sur la variable âge. Lorsqu’au moins trois de ces variables sont positives, le rapport de vraisemblance positif est aussi très élevé (LR+ = 17,0), permettant de rehausser la probabilité de succès du PESL de 53 % (sans utilisation de la RPC) à 85 % à T34, soit une amélioration de 32 % de cette probabilité de succès. En comparaison avec la RPC préliminaire de Hicks et al. (2005), dérivée pour prédire le succès à T8 (à la fin du programme clinique), la RPC à T34 offre un LR+ beaucoup plus élevé (17,0 vs 4,0), mais un changement équivalent en termes de prédiction du succès (amélioration de 32 % vs 34 %). Il est important d’apprécier qu’il s’agisse de la première RPC dans le domaine de la physiothérapie, quant à la prédiction du succès après une période de suivi, ici s’échelonnant sur six mois.

Résultats et discussion en lien avec l’objectif 2 (étude des mécanismes d’action) : Les comparaisons entre les GS et GE dans le temps ont révélé que plusieurs mécanismes physiques (mesures de l’examen clinique) et psychologiques (mesures par questionnaires) ont le potentiel d’expliquer le succès au PESL, ce qui n’était pas le cas pour les mécanismes de nature neuromusculaire (mesures en laboratoire). Ainsi, le PESL permettrait d’améliorer de façon plus marquée plusieurs indicateurs cliniques (p. ex. tests physiques d’endurance musculaire) et psychologiques (p. ex. peurs et croyances face à l’activité physique) chez le GS que chez le GE. Ceci supporte l’idée que le PESL permet une exposition graduelle à l’activité qui est favorable à la réduction des craintes liées à la douleur et au mouvement, tel que le propose le modèle d’évitement de la peur.

Finalement, l’étude plus spécifique de l’adhésion au programme d’exercices à domicile suggère que certains des mécanismes de nature psychologique en question joueraient un rôle dans cette adhésion, ce qui a son tour aurait un impact sur le succès du PESL.

En conclusion, la présente recherche a permis de compléter avec succès l’étape de dérivation de deux RPC de succès d’un PESL, soit pour prédire le succès à la fin d’un traitement de huit semaines (RPC à T8) ou bien après un suivi de six mois (RPC à T34). Ceci justifie la poursuite du développement de ce type d’outil permettant un meilleur arrimage entre les patients et ce programme d’exercices en particulier. De plus, l’étude des mécanismes d’action suggère que ce programme d’exercice engage des mécanismes d’action bénéfiques pour les patients, ceci autant sur le plan physique que psychologique.

[1] Une RPC de succès et une RPC d’échec étaient visés au départ. Au cours de la présente étude, il a été jugé plus utile de se concentrer que sur la RPC de succès, mais au lieu de ne considérer que le succès immédiat à la fin du programme clinique, une RPC de succès a également été dérivée pour la prédiction de succès lors du suivi à six mois.

Abstract

Physical exercises help reduce pain and disabilities in people with non-acute low back pain (> 3-4 weeks), but the effects obtained are limited. To increase the efficacy of this type of intervention, it is important to identify which patients respond most favourably to each exercise method (matching of patient/intervention) and for which reasons (underlying mechanisms). The focus of this study was a lumbar stabilization exercise program (LSEP), an active exercise method that is gaining in credibility and popularity. The study had two objectives: (1) to finalize the phase of deriving clinical prediction rules (CPRs) for a successful treatment outcome[1] in order to identify, during clinical examination, those patients likely to respond most favourably to these exercises; (2) to examine the mechanisms (physical, psychological and neuromuscular) activated by these exercises by using more specific measures in order to describe the effects of the treatment. A preliminary study involving 48 patients had produced sufficient results to warrant recruiting additional patients and thus attain the number of patients needed to meet these objectives.

Based on the results of the preliminary study, 64 additional patients (experiencing pain for more than four weeks) had to be recruited to attain a sample of 107 patients, i.e. the total sample size needed for statistical purposes. The exercise program was carried out over eight weeks (2 sessions/week) in physiotherapy clinics. The main measures of the results [pain intensity; perceptions of disability (Oswestry Disability Index)], as well as several measures obtained via questionnaires (psychological measures [PSY] associated with pain and treatment adherence), were collected at baseline (T0), at weeks 4 (T4) and 8 (T8 - end) of the exercise program, and at six months post-treatment (T34). The other measures – obtainable in clinical settings and therefore likely to be retained to develop the CPRs (objective 1), i.e. physical tests (measures from the clinical physiotherapy examination [PHT]) – were taken at T0 and T8. These physical tests included tests for joint instability (n = 4), flexibility (n = 6), sensorimotor control deficiencies (n = 8), physical performance (n = 4) and muscular endurance (n = 3). Six laboratory tests were also performed at T0 and T8 to study the neuromuscular action mechanisms (neuromuscular measures [NRMs] for objective 2) in a sub-sample of 77 patients.

The analyses for both objectives involved, first, forming three sub-groups of patients according to their level of success following the LSEP (1. success; 2. clinically significant improvement; 3. failure), as assessed using the Oswestry Low Back Pain Disability Questionnaire, which measures the perception of disability related to back pain. The groups at each end of the spectrum were then compared (successful sub-group (SG) vs failed sub-group (FG)) to ensure a clear differentiation. Moreover, at both T8 and T34, the effect sizes of the LSEP corresponding to the SG were much higher than those for the FG. This result was anticipated for the measure of disability perception, but was also observed (to a lesser degree) for that of pain intensity.

Results and discussion related to objective 1 (development of the CPRs): Our two CPRs for success (at T8 and T34) – both comprising tests with a direct theoretical link to the concept of low back instability – showed a very strong predictive value. The CPR for success at T8, derived from 99 patients (SG + FG) to predict a successful outcome at the end of the eight-week clinical treatment, retained four variables from the physical examination. When at least two of these variables were positive, the positive likelihood ratio was very high (LR+ = 17.9), raising the probability of success in the LSEP from 49% (without applying the CPR) to 96% at T8, i.e. a 47% improvement in the probability of success. These diagnostic performance indicators were higher than those of the preliminary CPR derived by Hicks et al., (2005) for a LSEP, a rule comprising four variables and offering a LR+ of 4.0 and a probability of success that rose from 33% (without applying the CPR) to 67% at T8 (a 34% improvement).

Our CPR for success at T34, for which the clinical derivation was based on a sample of 89 patients to predict a successful outcome after a six-month follow-up period, retained three predictive age-adjusted variables. When at least three of these variables were positive, the positive likelihood ratio was also very high (LR+ = 17.0), raising the probability of success in the LSEP from 53% (without applying the CPR) to 85% at T34, i.e. a 32% improvement in the probability of success. Compared with the preliminary CPR of Hicks et al. (2005), derived to predict success at T8 (the end of the clinical program), the CPR at T34 offered a much higher LR+ (17.0 vs 4.0), but a comparable change in terms of predicting success (improvement of 32% vs 34%). It is important to note that this is the first CPR in the field of physiotherapy for predicting success after a follow-up period, in this case, of six months.

Results and discussion related to objective 2 (study of action mechanisms): Comparisons between the SG and FG over time revealed that several physical mechanisms (measures obtained in the clinical examination) and psychological mechanisms (measures obtained through questionnaires) may potentially explain success in the LSEP, which was not the case for neuromuscular mechanisms (measures obtained in the laboratory). The LSEP thus made greater improvements in several clinical indicators (e.g. physical endurance tests) and psychological indicators (e.g. fears and beliefs regarding physical activity) in the SG than in the FG. This finding supports the idea that the LSEP provides a gradual exposure to activity that is conducive to reducing pain- and movement-related fears, as proposed in the Fear-Avoidance Model.

Lastly, closer examination of adherence to the at-home exercise program suggests that some of the psychological mechanisms involved might play a role in this adherence, in turn impacting the success of the LSEP.

In conclusion, this study successfully completed the phase of deriving two CPRs for success in a LSEP, i.e. for predicting a successful outcome at the end of eight weeks of treatment (CRP at T8) or after a six-month follow-up (CPR at T34). This finding justifies continuing efforts to develop this type of tool, which allows for better matching of patients with this particular type of exercise program. The study of the action mechanisms also suggests that this type of exercise program includes action mechanisms that are beneficial for patients on both physical and psychological levels.

[1] The goal was initially to produce a CPR for a successful outcome and a CPR for a failed outcome, but during this study, it was deemed more useful to concentrate on the CPR for a successful outcome. However, rather than considering only the immediate success at the end of the clinical program, a CPR for a successful outcome was also derived for predicting success at the six-month follow-up.

ISBN

9782897972530

Mots-clés

Maux de dos, Backache, Réadaptation physique, Physical rehabilitation, Évolution de la maladie, Evolution of disease, Étude longitudinale, Longitudinal study, Recherche sur la douleur, Research on pain, Gymnastique de délassement, Relaxation exercise, Physiothérapie, Physiotherapy

Numéro de projet IRSST

n/a

Numéro de publication IRSST

R-1151-fr

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