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Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2010

Langue

Français

Résumé

Dans les pays industrialisés, entre 15-30% des travailleurs opèrent en dehors des heures conventionnelles. Cette situation affecte environ 750 000 travailleurs québécois. La privation aiguë et chronique de sommeil, combinée à une perturbation de l’harmonie temporelle entre l’horloge biologique interne (appelée « oscillateur circadien ») et l’horaire de travail augmente significativement le risque d’accident en plus de réduire la productivité des travailleurs.

De plus, les travailleurs postés présentent un risque accru de développer plusieurs maladies chroniques telles que des maladies cardiovasculaires, un syndrome métabolique, des troubles digestifs, divers cancers et des maladies mentales. Il est donc urgent de développer des stratégies réalistes pour contrer les effets néfastes du travail posté afin d’améliorer l’état de santé de la population active, sa satisfaction et sa productivité au travail.

Un mythe voudrait que les individus en situation critique, par exemple responsables d’opérations d’urgence tels que les policiers, les pompiers et les équipes médicales, puissent surmonter leur tendance naturelle à dormir. La situation réelle est tout autre. Bien qu’il existe des évidences à l’effet que certains travailleurs peuvent s’adapter spontanément au travail de nuit, une infime minorité d’entre eux présentent une adaptation physiologique complète à leur horaire de travail. Même les travailleurs qui rapportent un niveau supérieur de satisfaction au travail posté présentent un ajustement incomplet de leurs rythmes biologiques.

Une panoplie de contre-mesures a été proposée pour minimiser les difficultés associées au travail posté dont la planification de siestes préventives et récupératrices, la prise de médications stimulantes en période de travail ou de médications favorisant le sommeil lors du retour à domicile (incluant des comprimés de mélatonine). Il demeure que le contrôle adéquat de l’exposition à la lumière et à l’obscurité est le facteur le plus important pour améliorer l’alignement temporel entre l’horloge circadienne des travailleurs et leur horaire atypique de vie.

Dans une étude financée par l’IRSST et publiée en 2002, nous avons montré qu’une intervention combinant une exposition intermittente à des lampes de luminothérapie la nuit, le port de lunettes sombres le matin et le maintien d’un horaire stable de sommeil le jour peut améliorer significativement l’adaptation des rythmes biologiques d’infirmières et infirmiers travaillant sur un horaire régulier de nuit.

Malgré les différences entre les travailleurs dans la répartition des quarts de travail et des jours de congé, nous avons démontré la faisabilité et l’efficacité de cette approche. La présente étude est en continuité directe avec cette étude antérieure et vise à développer des approches complémentaires de gestion de la fatigue chez des policiers en auto-patrouille travaillant sur horaires rotatifs.

Contrairement à notre étude antérieure, les policiers étudiés travaillaient sur un horaire rotatif composé de quarts de 8-9 heures de jour, soir et nuit. Les quarts de nuit survenaient en série de 7 quarts de nuit consécutifs. De plus, les policiers opéraient en auto-patrouille et étaient ainsi en constante interaction avec l’environnement extérieur, contrairement aux travailleurs de la santé de notre étude précédente. Il s’agit donc de conditions de travail plus complexes pour l’adaptation circadienne et pour lesquelles nous avons développé une approche spécifique de gestion de la fatigue.

Le travail sur quarts rotatifs se complique par l'instabilité de l'exposition à la lumière et à l’obscurité. D'après les résultats de notre étude antérieure chez les infirmières, nous croyons qu’il est possible de développer une intervention pratique basée sur un horaire judicieux de sommeil/noirceur et d’exposition à la lumière. Cette intervention constitue la base scientifique du présent projet et consiste en l’utilisation de lampes ambulatoires de luminothérapie lors des quarts de nuit, au port de lunettes orangées le matin et au maintien d’un horaire régulier de sommeil/obscurité le jour suivant les quarts de nuit.

Les policiers ont été évalués pendant 48 heures en laboratoire de sommeil avant et après leur semaine de travail de nuit. Des mesures ambulatoires de sommeil, de vigilance et d’ajustement de l’oscillateur circadien ont été récoltées pendant la semaine de travail de nuit et lors du retour à un horaire de jour. Les résultats de 8 policiers ayant participé à cette intervention ont été comparés à ceux de 9 policiers ayant suivi le même protocole expérimental mais sans intervention.

Des performances psychomotrices plus stables au cours de la semaine de travail de nuit furent notées pour les policiers du groupe intervention. Bien que l’ajustement circadien était plus rapide chez ces derniers, aucune différence significative entre les groupes ne fut observée. Ces résultats s’expliquent par une exposition aux lampes de luminothérapie durant la nuit plus faible qu’escomptée. Des améliorations technologiques sont à considérer dans les phases de recherche futures.

Malgré le caractère relativement modeste des changements obtenus dans ce projet, ces derniers sont survenus dans la direction escomptée. Ainsi, les données récoltées sont prometteuses, considérant qu’un degré supérieur d’ajustement circadien et/ou de performance psychomotrice lors des quarts de nuit furent associés à l’intervention testée. Nos efforts futurs consisteront à améliorer et combiner diverses interventions afin d’en maximiser les bénéfices et les rendre satisfaisantes et réalistes pour les travailleurs et leurs employeurs.

ISBN

9782896314850 (PDF)

9782896314843 (version imprimée)

Mots-clés

Police, Police force, Horaire atypique, Non-standard working hours, Travail par postes, Shift work, Risque d'atteinte à la santé, Health hazard, Fatigue, Sommeil, Sleep, Rythme circadien, Circadian rhythm, Rythme biologique, Biological rhythm, Relâchement de la vigilance, Relaxed vigilance

Numéro de projet IRSST

0099-2340

Numéro de publication IRSST

R-659

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