Type de document
Rapports de recherche scientifique
Année de publication
2005
Langue
Français
Résumé
Comme l’a montré une étude exploratoire en 1998, les emplois d’auxiliaires (AFS) et d’infirmières sont les deux emplois les plus nombreux en termes d’effectifs dans les CLSC au Québec et ils présentent des risques importants pour la santé et la sécurité (SST). Cette étude exploratoire avait montré que l’organisation du travail peut soutenir de manière plus ou moins efficace les travailleuses par différentes mesures. Le secteur de la santé est en croissance, la main-d’œuvre y est vieillissante; plusieurs recrues devront être engagées et conservées. Une nouvelle recherche a donc été réalisée afin d’étudier le rôle de l’organisation du travail des services de soins à domicile (SAD) comme soutien : 1) à l’élaboration de stratégies protectrices de travail des auxiliaires (AFS) et des infirmières expérimentées; 2) au développement de ces stratégies par les novices; 3) à l’utilisation de ces stratégies lors de la réalisation de l’activité réelle particulièrement pour des situations de travail à risque. Cette étude vise à suggérer des pistes d’aménagements organisationnels permettant de soutenir le personnel, contribuant à garantir la qualité des soins ainsi qu’une meilleure prévention des risques pour les travailleuses.
Cette recherche interdisciplinaire comprend quatre études de cas enchâssées de SAD de CLSC qui se distinguent par certaines caractéristiques organisationnelles. Pour rendre compte de cette problématique complexe, les données recueillies dans chaque service proviennent de différentes sources : 48 entrevues individuelles auprès de gestionnaires et de représentants du personnel; 11 entrevues collectives d’AFS et d’infirmières d’âge et d’expérience variés; observation de l’activité de travail de 11 AFS et de 11 infirmières; observation de 35 réunions de travail de divers types; sept entrevues collectives et individuelles auprès d’AFS ayant subi des accidents ou vécu des problèmes de santé liés au travail; documents administratifs; données de main-d’œuvre, de lésions professionnelles et d’absence pour problèmes de santé au cours des trois dernières années; questionnaire portant sur la santé musculo-squelettique et la santé psychologique.
Les résultats indiquent que le niveau de risque de problèmes de SST des AFS et des infirmières est très préoccupant quand on considère les lésions compensées par la CSST, les assignations temporaires ainsi que les absences de santé ayant des liens potentiel avec le travail. Les AFS sont principalement victimes de problèmes musculo-squelettiques mais également dans une moindre mesure de troubles psychologiques. Les infirmières quant à elles demandent principalement des compensations pour des troubles de santé psychologiques reliés au travail. D’autres types d’indicateurs de risque prospectifs basés sur des particularités de l’organisation du travail ont également été élaborés. Ils permettent d’enrichir le portrait de SST et sont utiles pour la prévention puisqu’ils montrent le niveau réel d’intégration des pratiques de SST. Cette recherche a aussi conduit à l’élaboration d’un modèle théorique qui met en évidence le fait que l’activité de travail des travailleuses et les stratégies de travail qu’elles développent découlent de plusieurs aspects qui caractérisent leur travail (la travailleuse et son équipe, l’usager et son réseau, l’environnement de travail et l’organisation du travail). L’intérêt de ce modèle en terme d’identification des problèmes et, par le fait même, de prévention, est illustré avec l’analyse d’une situation problématique particulière de SST vécue par plusieurs auxiliaires du CLSC 2.
L’analyse fine de l’activité de travail des AFS et des infirmières révèle l’existence de plusieurs stratégies protectrices de travail visant la préservation de leur santé physique et psychologique en réduisant la charge physique, cognitive et affective liée au travail. Ces stratégies sont classées en six groupes, pour les AFS. Pour les infirmières les stratégies, répertoriées en neuf catégories, sont surtout axées sur la diminution de la charge de travail à court et long terme. Par ailleurs, l’expérience du métier s’avère bénéfique car elle favorise l’acquisition de stratégies protectrices qui permettent de réduire les contraintes posturales et ce, pour les deux groupes professionnels même si dans l’ensemble, les infirmières tendent à moins se protéger. L’analyse montre aussi que l’expérience du métier influence la nature des interactions verbales réalisées avec les clients. Ainsi, les travailleuses expérimentées développent la capacité de réaliser des activités de dépistage, de planification du soin ou d’enseignement, par le biais des interactions, tout en réalisant simultanément les soins. L’expérience du métier permet aussi de réduire la durée du temps de soin, tant chez les auxiliaires que les infirmières.
Cette recherche montre également que la connaissance du cas, favorisée ou non par l’organisation du travail, est un élément nécessaire mais non suffisant pour assurer la SST des travailleuses de soins à domicile. Elles doivent aussi disposer de marges de manœuvre afin d’avoir la possibilité de développer des stratégies protectrices et de les utiliser. Ces marges de manœuvre individuelles permettent au personnel de réguler son activité de travail selon différents paramètres (âge, expérience, fatigue, santé), ce qui est très important en termes de prévention. La façon d’organiser le travail n’est pas neutre à cet égard. Les marges de manœuvre dont disposent les individus, ou les mécanismes de régulation qui leur sont accessibles seront plus ou moins favorisé par divers choix organisationnels. Voici les principaux choix organisationnels qui ressortent de cette étude comme déterminants pour la prévention de nombreux problèmes de SST :
- la possibilité d’aménager les routes et de favoriser une gestion préventive de la flexibilité des temps de travail,
- l’importance des mécanismes de transmission et de circulation d’information,
- la possibilité de développer des collectifs professionnels et multiprofessionnels de travail,
- l’usage d’outils de gestion et de suivi des clientèles ainsi que leur mode d’implantation.
- Une gestion prudente du personnel de différents statuts d’emploi,
- l’existence de procédures claires et de leur application pour l’aménagement des domiciles,
- l’accès à de la formation ainsi qu’à de l’information sur différentes problématiques,
- l’existence de réunions professionnelles et multidisciplinaires,
- la reconnaissance du travail invisible des travailleuses ainsi que de leur expérience.
Cette étude permet finalement de dresser un portrait d’un mode d’organisation du travail jouant un rôle protecteur de la SST de son personnel. Elle fait avancer la connaissance au sujet des contraintes de travail rencontrées par le personnel œuvrant dans les secteurs des services. En outre plusieurs suggestions d’aménagements organisationnels de même que diverses pistes de recherches à entreprendre sont proposées.
Mots-clés
Soins à domicile, Home care, Organisation du travail, Work organisation, Suggestion de prévention, Safety suggestion, Personnel infirmier, Nursing personnel, Aide personnelle à domicile, Personal home assistance, Risque d'atteinte à la santé, Health hazard, Troubles musculosquelettiques, Musculoskeletal disease, Absentéisme, Absenteeism, Analyse des tâches, Job analysis, Horaire de travail, Work time schedule, Charge de travail admissible, Permissible workload, Recommandation, Directive, Québec
Numéro de projet IRSST
0097-0830
Numéro de publication IRSST
R-429
Citation recommandée
Cloutier, E., David, H., Ledoux, É., Bourdouxhe, M., Teiger, C., Gagnon, I. et Ouellet, F. (2005). Importance de l'organisation du travail comme soutien aux stratégies protectrices des auxiliaires familiales et sociales et des infirmières des services de soins et de maintien à domicile (Rapport n° R-429). IRSST. https://pharesst.irsst.qc.ca/rapports-scientifique/433
