Type de document
Rapports de recherche scientifique
Année de publication
2005
Langue
Français
Résumé
Les bioindicateurs et la santé au travail…
Certains travailleurs, dans le cadre de leurs activités professionnelles, sont exposés à des produits potentiellement néfastes pour leur santé. Afin de nous aider à comprendre le lien entre les expositions à ces produits et les maladies qui peuvent apparaître, il peut être utile et même nécessaire d’utiliser des bioindicateurs d’exposition, d’effets, ou encore de susceptibilité. Les premiers (bioindicateurs d’exposition) sont la mesure, dans le sang, l’urine ou l’air expiré dans un premier cas, du produit auquel les travailleurs sont exposés ou encore, dans un deuxième cas, de sous-produits résultant de la transformation de ce produit dans leur organisme. Les deuxièmes (bioindicateurs d’effets précoces) permettent de savoir si l’organisme du travailleur commence à réagir suite à une exposition à un produit. Il s'agit parfois de mesurer des effets tellement subtils sur l’organisme que le travailleur ne s'en aperçoit pas du tout. Quant aux troisièmes (bioindicateurs de susceptibilité), ils permettent d’avoir une idée des caractéristiques génétiques de la personne. Ces caractéristiques pourraient être reliées à un risque plus élevé de développer une maladie suite à une exposition à des substances chimiques.
Mais, peut-on les utiliser n'importe comment ?
L’éthique semble devenir, au fil des années, une préoccupation importante dans plusieurs domaines. Celui de la santé au travail évidemment n’y échappe pas. En examinant l’utilisation des bioindicateurs sous l’angle éthique, plusieurs interrogations surgissent : à quel moment doit-on utiliser les bioindicateurs ? Dans quelles circonstances, à quelles conditions peut-on les utiliser ? Quel suivi doit-on faire ? Quelles informations doivent être fournies aux travailleurs ? Quelles sont les conséquences pour les travailleurs des utilisations des bioindicateurs ? Est-ce que ces utilisations peuvent leur porter préjudice ? Il s’agit de quelques exemples parmi de nombreuses questions pertinentes sur le plan éthique. Bien que les écrits scientifiques nous fournissent plusieurs pistes de réponses à ces questions éthiques, il appert bien souvent qu’elles semblent incomplètes ou encore inapplicables dans certains cas. En effet, bon nombre de ces pistes sont issues d’une réflexion théorique. Cependant, il y a lieu de se demander comment cette « éthique théorique » est transposée dans un contexte réel de santé au travail. Difficile de savoir puisque peu d’études ont été répertoriées sur la façon dont les groupes d’intérêts en santé au travail perçoivent et interprètent ces aspects éthiques. Nos recherches ont donc porté sur les représentations, que se sont construites différents groupes, des aspects éthiques impliqués lors de l’utilisation des bioindicateurs.
Les objectifs
Ce projet de recherche avait deux objectifs principaux. D’une part, nous voulions mieux comprendre quel est le contexte d’utilisation des bioindicateurs tel qu’il est perçu par divers groupes impliqués en santé au travail. Pour ce faire, nous avons privilégié la mise au jour des représentations et ce, parce qu’elles sont définies comme étant les interprétations élaborées par les individus en vue d’expliquer ce qui les entoure (le contexte). D’autre part, à partir de cette meilleure compréhension du contexte, nous voulions identifier les pièges éthiques à éviter, tant lors de l’utilisation des bioindicateurs dans le cadre de programmes de surveillance de la santé que dans le cadre d’activités de recherches.
L’étude du contexte ou la mise à jour des représentations
Les représentations ont été étudiées par la réalisation de sept entrevues de groupes homogènes, soit une entrevue avec chacun des groupes suivants : médecins et infirmières en santé au travail, travailleurs, employeurs, chercheurs, employés de la CSST et représentants syndicaux. Les aspects éthiques qu’ils ont soulevés ont ensuite été soumis à d’autres personnes appartenant aux mêmes groupes sur un forum de discussion Internet. Les entrevues et le forum ont été analysés de façon qualitative.
Quelles sont les représentations ?
Les résultats tirés des entrevues et du forum indiquent que tous les groupes n’ont pas les mêmes représentations des aspects éthiques entourant l’utilisation des bioindicateurs. Tout d’abord, précisons que tous les groupes ont mentionné que les utilisations des bioindicateurs doivent viser en premier lieu la protection de la santé des travailleurs. Cependant, il appert que plusieurs problématiques éthiques demeurent concernant ces utilisations et ce, que ce soit lors de recherches ou lors de programmes de surveillance biologique. Ces problématiques sont liées à divers aspects : manques d’objectivité et de confiance attribués à certains groupes par d’autres, maintien de la confidentialité, possibilités de discrimination et difficultés rencontrées lors de l’application du suivi et de la communication des informations.
Les pièges éthiques
Lorsque l’on compare les résultats que nous avons obtenus aux aspects éthiques dits théoriques, on constate que plusieurs pièges peuvent se présenter lors de la transposition de l’éthique théorique dans un contexte de pratique. Afin de faciliter cette transposition et à partir des résultats de nos recherches, nous avons identifié sept de ces pièges éthiques. Ces pièges sont définis comme étant des aspects sur lesquels une attention particulière doit être accordée lors de la réflexion éthique entourant l’utilisation des bioindicateurs en santé au travail.
- Deux pièges font référence aux interactions entre les diverses représentations de l’éthique elle-même retrouvées chez les groupes interrogés. En fait, ces deux pièges soulignent que d’un côté, certains groupes s’attendent à ce que l’éthique apporte des solutions concrètes aux problèmes rencontrés lors de l’utilisation des bioindicateurs alors que, d’un autre côté, d’autres groupes considèrent que l’éthique est « trop philosophique » ou trop abstraite pour apporter ces solutions.
- Deux autres pièges mettent en évidence les difficultés rencontrées lorsque vient le moment de fournir les informations aux travailleurs en vue d’obtenir leur consentement à passer un test-bioindicateur.
- Deux pièges se penchent sur les réflexions entourant le choix d’utiliser ou non un bioindicateur en santé au travail.
- Finalement, un dernier piège souligne que même si un bioindicateur est utilisé depuis longtemps en industries, il ne faut pas tenir pour acquis que son utilisation est dépourvue de problèmes éthiques.
Conclusion
Conséquemment, afin d’assurer des utilisations éthiquement acceptables des bioindicateurs, une prise en compte est nécessaire, non seulement de la réflexion éthique théorique, mais également des impératifs et préoccupations éthiques exprimés par les groupes d’intérêts. À cette fin, les moyens mis en œuvre devraient inclure des processus d’éducation et de formation de ces groupes sur les aspects scientifiques et éthiques inhérents au domaine de la santé au travail.
Mots-clés
Test d'exposition, Exposure test, Éthique, Ethics, Aspect juridique, Legal aspect, Recherche sur l'homme, Human experiment, Québec
Numéro de projet IRSST
0099-1260
Numéro de publication IRSST
R-404
Citation recommandée
Caux, C., Viau, C., Guilbert, L. et Roy, D. J. (2005). Les aspects éthiques de l'utilisation des bioindicateurs en santé au travail (Rapport n° R-404). IRSST. https://pharesst.irsst.qc.ca/rapports-scientifique/416
