Type de document
Rapports de recherche scientifique
Année de publication
2007
Langue
Français
Résumé
Introduction : Les atteintes vertébrales sont une problématique majeure affectant les travailleurs. Un des secteurs associé à un taux particulièrement élevé d’affection vertébrale relié au travail est celui de la construction. Pour faire face à cette problématique de santé auprès de cette population, le Programme de collaboration précoce a été développé. Ce dernier consistait en un programme interdisciplinaire de réadaptation intégrant à la fois le dépistage précoce, le milieu de travail régulier comme modalité d’entraînement contextualisé et la collaboration précoce et continue d’une conseillère en réadaptation lors de la prise en charge des travailleurs blessés. Étant donné la complexité de ce programme en lien avec les différents partenaires, son évaluation requiert non seulement l’étude des effets, mais également de son implantation. Dans ce type d’étude, les caractéristiques de l’intervention planifiée sont comparées avec celles de l’intervention véritablement implantée. Afin d’évaluer l’implantation du Programme de collaboration précoce, la théorie de programme, incluant le modèle opérationnel et le modèle théorique, a été définie. Le modèle opérationnel est défini comme la description des différentes étapes comprises dans le programme. Pour le Programme de collaboration précoce, le modèle opérationnel comprenait 10 étapes séquentielles. Le modèle théorique, pour sa part, est le modèle expliquant les mécanismes par lesquels il est censé produire ses effets attendus s’il est mis en œuvre comme il a été prévu. Dans le cadre de cette étude, le modèle théorique s’est limité à la composante de Retour Thérapeutique au Travail (RTT) incluse dans le Programme de collaboration précoce et comprenait trois dimensions soit le travailleur, l’environnement de travail et l’interaction entre le travailleur et son environnement. Trois grandes hypothèses d’action (mécanismes) ont été proposées et portent sur les effets intermédiaires attendus du programme et l’atteinte de l’objectif ultime de retour au travail.
Objectifs : Cette étude comprenait trois objectifs : 1) décrire la variation de l'implantation du programme de collaboration précoce en fonction des caractéristiques des travailleurs participants et de leurs entreprises; 2) évaluer le niveau d'opérationnalisation du programme en comparant les caractéristiques des ressources et des activités des interventions dispensées à celles incluses dans le modèle opérationnel et 3) mettre à l'épreuve le modèle théorique de la composante RTT du programme en évaluant les trois hypothèses d’action.
Méthode : Deux devis de recherche ont été utilisés. La population à l’étude comprenait tous les travailleurs de la construction acceptés par la Direction régionale de l’île de Montréal-1 (DRIM-1) de la CSST pour une dorso-lombalgie. Pour les objectifs 1 et 2, il s’agissait d’une étude descriptive de l'implantation du programme avec différentes unités d’analyse (travailleurs, entreprises). Un tableau de bord de gestion a été développé pour la collecte des données qui a été réalisée pendant le déploiement du programme. Des analyses descriptives ont été utilisées. Pour l’objectif 3, il s’agissait d’une étude de cas multiple où l'unité d'analyse était le travailleur admis au programme. Pour cet objectif, seulement les travailleurs ayant reçu l’ensemble du programme ont été retenus. Des données sur les activités du programme et sur les participants (état de santé, action concertée des partenaires et contraintes environnementales au travail) ont été recueillies de façon répétée à partir d’outils de mesure validés ainsi que d’entrevues semi-dirigées auprès des participants et des cliniciens responsables. Les analyses ont été réalisées selon une technique d’appariement au modèle.
Résultats : L’étude descriptive de l’implantation du programme (objectif 1) a inclus 29 travailleurs accidentés du domaine de la construction. Ces derniers, tous des hommes d’âge moyen de 42 ans avec une éducation majoritairement de niveau de secondaire, étaient comparables au profil général des travailleurs du domaine de la construction du Québec. De plus, les trois titres d’emploi les plus fréquents des participants (manœuvre-journalier, travaux de finitions et chaudronnier plombier) correspondent à ceux où sont rapportés les plus d’accidents. Aussi, les caractéristiques des participants montrent qu’ils correspondaient bien à la clientèle ciblée par le programme. En effet, les différents indicateurs de l’état de santé des travailleurs montrent qu’ils étaient à haut risque d’incapacité prolongée. Une différence était toutefois retrouvée en ce qui concerne les entreprises dont étaient issus les participants. Comparativement au profil du secteur de la construction, dans cette étude, les travailleurs oeuvraient dans des entreprises de plus grande taille (50 employés et plus), ce qui est moins courant dans ce secteur.
Pour l’étude de cas multiple, 15 travailleurs ayant reçu l’ensemble du programme ont été inclus. Les caractéristiques de ce sous-groupe étaient similaires à celles du groupe initial. En ce qui concerne l’implantation du programme (objectif 2), les étapes du modèle opérationnel et les ressources employées dans la prestation des soins ont été globalement respectées par rapport au modèle initial. Toutefois, deux écarts importants ont été identifiés concernant la collaboration avec le médecin traitant externe à l’équipe et les durées observées entre les différentes étapes. Dans le modèle opérationnel, la collaboration et la communication avec le médecin traitant responsable du retour au travail était une étape favorisant le retour au travail. Or, il apparaît que l’implication de partenaires qui appartiennent à des organisations différentes, avec leurs objectifs et contraintes propres, augmente la complexité de la collaboration et peut mettre en péril l’alliance stratégique dans un processus de retour au travail. Aussi, la comparaison entre les durées prévues et observées a révélé des écarts importants. En effet, le délai entre la référence pour une évaluation initiale et une prise en charge par l’équipe était deux fois plus élevé que prévu. Ainsi, la prise en charge des participants qui devait se faire en phase subaiguë de la dorso-lombalgie a réellement eu lieu en phase chronique de la maladie.
La validation du modèle théorique de la composante RTT (objectif 3) incluait également les 15 travailleurs ayant reçu l’ensemble du programme auxquels se sont ajoutés cinq travailleurs du domaine de la construction, ayant des caractéristiques semblables, mais provenant d’une autre région. Les résultats supportent deux des trois hypothèses énoncées dans le modèle théorique à savoir que le développement d’Agirs spécifiques au travail est un élément clef de réintégration au travail et apparaît associé à la réduction des contraintes environnementales, à l’amélioration des capacités de travail et à l’action concertée. Cependant, l’hypothèse expliquant le développement des capacités de travail reste à être défini. En outre, l’action concertée semble également au cœur du processus de réintégration au travail et devrait se formaliser avec les différents acteurs impliqués dans la démarche soit le travailleur, le médecin traitant, l’employeur, le conseiller et l’équipe clinique.
La présente étude compte parmi les rares recherches évaluatives en santé et en sécurité du travail qui tente d’ouvrir la boîte noire des interventions afin d’en saisir les mécanismes d’action. Elle a mis en lumière que l’intervention de réadaptation au travail chez des travailleurs présentant des dorso-lombalgies est complexe, imbriquée dans l’environnement social et que les actions doivent être multiniveaux et coordonnées sans quoi elles sont inefficaces. Plusieurs pistes de recherche ont émergé pendant cette étude dont la nécessité d’explorer les dimensions de changements des représentations des travailleurs et des employeurs lors de l’intervention en milieu de travail, de développer une évaluation des capacités de travail qui tient compte de l’interaction de l’individu avec son milieu de travail réel, de documenter la nature des alliances stratégiques entre les différents partenaires et d’explorer la construction de collaborations favorables au retour au travail qui tient compte des besoins et des structures des partenaires.
ISBN
9782896311118 (PDF)
9782896311101 (version imprimée)
Mots-clés
Industrie du bâtiment, Building industry, Travaux de construction, Construction work, Maux de dos, Backache, Réadaptation professionnelle, Vocational rehabilitation, Collaboration, Maintien en emploi, Job maintenance, Absentéisme maladie, Sickness absenteeism, Aspect psychologique, Psychological aspect, Ergonomie, Ergonomics, Québec
Numéro de projet IRSST
0099-0760
Numéro de publication IRSST
R-489
Citation recommandée
Durand, M.-J., Berthelette, D., Loisel, P., Beaudet, J. et Imbeau, D. (2007). Travailleurs de la construction ayant une dorso-lombalgie : évaluation de l'implantation d'un programme de collaboration précoce en réadaptation (Rapport n° R-489). IRSST. https://pharesst.irsst.qc.ca/rapports-scientifique/469
