Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2007

Langue

Français

Résumé

Problématique

L’exposition aux vibrations générées par les outils portatifs vibrants entraîne une maladie professionnelle connue sous le terme de syndrome vibratoire. Ce syndrome comporte trois atteintes distinctes. L’atteinte la mieux connue du syndrome vibratoire est l’atteinte vasculaire, se manifestant par l’apparition d’épisodes de doigts blancs (que l’on désigne sous le terme de phénomène de Raynaud) suite à une exposition au froid ou à l’humidité. L’atteinte neurologique se manifeste par des engourdissements, une perte de dextérité et une diminution de force musculaire. L’atteinte musculosquelettique se manifeste par des douleurs, des limitations articulaires et des lésions osseuses. Le syndrome vibratoire est décrit dans de nombreux secteurs d’activité économique dont le secteur minier, le secteur de la forêt, les bâtiments et travaux publics, le secteur de fabrication d’équipement de transport, les fonderies, les chantiers maritimes, etc.

L’étude actuelle constitue une étude descriptive de 355 dossiers de demandes d’indemnisation de travailleurs pour l’atteinte vasculaire. L’étude couvre la période 1993-2002 au Québec. Elle représente la poursuite de l’étude de la phase I, laquelle est basée sur les données informatisées de la banque de données de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST). La présente étude vise les objectifs suivants : dégager le profil des travailleurs québécois atteints de doigts blancs, documenter la nature de l’investigation médicale, dégager des éléments de connaissance utiles à la prévention de la maladie et identifier des pistes d’intervention. Compte-tenu de l’absence d’études de prévalence du syndrome vibratoire au Québec depuis les années 1980, cette étude marque une étape importante dans la reconnaissance et la prévention du risque relié à l’exposition aux vibrations main-bras.

Méthodologie

Une sélection des dossiers d’indemnisation a été faite à partir de variables descriptives, ce qui visait à obtenir toutes les lésions indemnisées ou refusées par la CSST, dont le premier évènement est survenu durant la période 1993-2002. Parmi l’ensemble des dossiers retracés, seuls les cas de syndrome de Raynaud (code 13710) ont été conservés pour la phase II. À partir d’une revue de la littérature, une grille d’analyse a été élaborée. Les informations suivantes ont été extraites des dossiers des travailleurs : les caractéristiques socio-démographiques, le profil d’exposition, la nature et les résultats de l’investigation médicale, le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychologique, les limitations fonctionnelles accordées et les conséquences en lien avec la réadaptation.

Résultats

L’étude montre une sous-déclaration de la maladie comparativement à d’autres pays industrialisés. Il existe même une absence de déclaration pour les secteurs reconnus à risque dans la littérature médicale : les chantiers maritimes, les fonderies, l’aéronautique. De larges régions du Québec sont sous-représentées, notamment les régions administratives de Montréal et de Québec. Ces résultats suggèrent que le syndrome de Raynaud est encore largement méconnu des travailleurs, des employeurs et des professionnels de la santé.

Les travailleurs qui présentent une demande d’indemnisation sont majoritairement des hommes. L’âge moyen est de 49 ans. Près de 74 % des demandes sont acceptées. Quarante pourcent des demandes font l’objet de contestation auprès des bureaux administratifs ou de la Commission des lésions professionnelles. Au moment de la demande, près de 43 % des requérants sont des mineurs, 13,5 % sont des travailleurs forestiers, 10,1 % sont des mécaniciens. Dans 61 % des cas, une exposition aux outils vibrants reliée au travail minier est documentée dans l’histoire professionnelle du travailleur.

Près de la totalité des travailleurs rapporte des épisodes de doigts blancs, 63 % présentent également des engourdissements et 34,4 % présentent des douleurs articulaires. Quatre-vingt-dix-neuf travailleurs (28 %) présentent à la fois des atteintes vasculaires, neurologiques et musculo-squelettiques. L’étude montre que 20 % présentent une surdité neuro-sensorielle compensée par la CSST, 20 % présentent un syndrome du tunnel carpien opéré et 14,6 % un syndrome de Guyon. Le syndrome vibratoire s’ajoute également au fardeau des autres maladies professionnelles et personnelles déclarées par les travailleurs.

Dans chaque dossier, on comptabilise en moyenne 3 consultations médicales de disciplines ou champs d’expertise différents sans permettre une vue globale des trois atteintes du syndrome vibratoire. La prise d’information sur les facteurs aggravants de la maladie ou la recherche des causes secondaires du phénomène de Raynaud est variable. Il n’existe pas de définition consensuelle du blanchiment des doigts. Les cas ne sont pas classés selon la classification internationale de Stockholm et la terminologie médicale employée pour décrire l’atteinte vasospastique est variable. En effet, l’emploi du terme maladie de Raynaud reliée au travail ou phénomène de Raynaud entraîne de la confusion lors du traitement de la demande, laissant place à une interprétation erronée d’une condition personnelle. La contribution de facteurs personnels tels que le tabagisme, la présence de blanchiment au niveau des orteils et une documentation inadéquate de l’exposition aux vibrations constituent des obstacles dans la reconnaissance de la maladie. Les atteintes neurosensorielles et musculosquelettiques sont moins documentées, puisque le barème de la CSST tient compte de la sommation des trois atteintes dans le même stade d’atteinte et que l’attribution du stade est en partie tributaire des résultats des tests de provocation au froid.

Une période de neuf ans s’écoule entre la déclaration des épisodes de blanchiment des doigts et la déclaration de la maladie professionnelle. Ce délai est très long et permet l’aggravation de la condition médicale et la dégradation de la circulation digitale conduisant parfois à la présence d’ulcères au bout des doigts. Parmi les travailleurs, 7 % des travailleurs présentent des ulcères digitaux. Cette fréquence est supérieure aux données de la littérature. Parmi l’ensemble des 270 travailleurs reconnus par la CSST, 50 % des sujets se regroupent dans la classe modérée, 24,8 % dans la classe sévère et 16,3 % dans la classe d’une atteinte jugée légère, alors qu’une prévalence plus élevée était suspectée, étant donné qu’il s’agit de demande de compensation par les travailleurs.

Il est difficile d’établir avec justesse l’exposition des travailleurs aux vibrations générées par les outils vibrants. La description des outils utilisés, des tâches, de la durée quotidienne ou cumulée est incomplète ou imprécise. Il n’existe pas de données objectives sur le niveau vibratoire en termes d’accélération excluant la possibilité de documenter quantitativement le risque d’exposition aux vibrations main-bras pour chaque travailleur. En absence de données objectives, la reconnaissance des sources de vibrations est litigieuse. C’est le cas notamment des machines à coudre, foreuses à diamant et des boyaux à haute pression. La description des conditions environnementales et des facteurs ergonomiques est souvent manquante.

Deux tests de provocation au froid sont répertoriés en relation avec les exigences du barème d’indemnisation de la CSST, soit le test de récupération de la température digitale et le test de pléthysmographie digitale. Ces tests sont pratiqués selon des procédures différentes, non standardisées selon les normes internationales et non interprétés selon les données de la littérature. L’interprétation du résultat est variable selon les différents centres et le résultat de chaque test n’est pas toujours corrélé à la classe attribuée. Une standardisation de la méthodologie telle que recommandée par les normes ISO permettrait de contrôler les facteurs qui peuvent influencer les résultats. Bien que l’étude montre une sensibilité des deux tests de provocation au froid élevée, il n’existe pas ou peu de données québécoises sur la spécificité et la reproductibilité de ces tests. Des tests « maison » sont encore pratiqués alors que leur abandon est recommandé dans la littérature médicale. En bref, compte tenu de la disparité des examens demandés, l’étude démontre qu’il n’existe pas de protocole d’investigation standard. Dans la majorité des cas, l’atteinte neurologique distale des requérants n’est pas évaluée par des tests de mesure des seuils vibrotactiles ou thermiques ou de discrimination tactile. Il en va de même pour l’évaluation de la composante musculosquelettique.

Le barème d’indemnisation de la CSST tient compte de l’ensemble des symptômes amalgamés dans un même stade. Ainsi, il est impossible d’attribuer un pourcentage d’invalidité pour une atteinte spécifique. Au terme de l’investigation, des limitations fonctionnelles sont attribuées dans une grande proportion aux requérants et elles se regroupent avec des variantes sous trois volets, soit la limitation de l’exposition aux vibrations, au froid et à l’humidité. Elles sont formulées de façon groupée indépendamment du stade de sévérité de l’atteinte. Les données disponibles indiquent qu’un faible pourcentage de travailleurs retourne en emploi.

Conclusion

L’étude permet de dresser un profil détaillé des travailleurs atteints de la composante vasculaire du syndrome vibratoire. Les résultats de cette recherche apportent une richesse d’information de nature quantitative et qualitative et ils permettent d’amorcer une réflexion sur la nécessité de prévoir des mesures visant à contrôler l’exposition des travailleurs, de même que des activités d’information et de formation auprès des milieux de travail, des intervenants et des professionnels de la santé.

ISBN

9782896311170 (PDF)

978289631163 (version imprimée)

Mots-clés

Vibration, Lésion des extrémités supérieures, Injury to upper extremities, Réparation des maladies professionnelles, Compensation of occupational diseases, Outil vibrant, Vibrating tool, Type de travail, Type of work, Maladie des vibrations, Vibration disease, Syndrome de Raynaud, Raynaud's phenomenon, Dysfonction vasculaire, Vascular dysfunction, Anamnèse, Anamnesis, Examen médical, Medical examination, Symptôme, Symptom, Diagnostic, Diagnosis, Aspect statistique des maladies professionnelles, Statistical aspect of occupational diseases, Québec

Numéro de projet IRSST

0099-3040

Numéro de publication IRSST

R-492

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