Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2007

Langue

Français

Résumé

Au Québec, comme dans la plupart des pays industrialisés, plusieurs personnes sont affligées d’un mal de dos à la suite d’un accident de travail et doivent conséquemment s’en absenter. Pour la majorité des personnes, l'arrêt de travail est temporaire, mais dans certains cas il se prolonge plusieurs mois, voire des années. En plus d’exclure des individus du marché du travail, ce phénomène d'incapacité chronique engendre des conséquences majeures sur les plans humain et financier. Plusieurs indicateurs psychosociaux liés à l'incapacité chronique ont été identifiés grâce à la recherche. Toutefois, pour mieux aider les individus concernés, il est nécessaire de mieux comprendre les mécanismes par lesquels ces indicateurs influencent le développement de l’incapacité. Or, les études visant à améliorer la compréhension de l’effet de ces indicateurs à l’aide de modèles théoriques reconnus sont rares. Par ailleurs, les liens entre certaines variables et l’incapacité chronique ont jusqu’ici très peu été documentés. C’est le cas des politiques et des pratiques organisationnelles en matière de santé et de sécurité et de l’impact potentiel de la douleur au dos sur les réactions physiologiques.

La présente recherche comportait trois objectifs. Premièrement, elle visait à vérifier dans quelle mesure le modèle théorique d’adaptation au stress peut expliquer les relations entre différentes variables psychosociales et l’incapacité chronique. Deuxièmement, elle visait à vérifier si les pratiques et politiques des entreprises en matière de santé et sécurité permettraient de mieux comprendre l’évolution vers l’incapacité chronique. Troisièmement, elle cherchait à explorer les relations entre la réponse biologique de stress et la situation d’emploi, ainsi que les relations entre cette réponse et les composantes du modèle d’adaptation au stress.

Pour ce faire, 439 travailleurs et travailleuses, en arrêt de travail à cause d’un mal de dos et indemnisés par la CSST, ont complété une série de questionnaires portant principalement sur: les stresseurs affrontés au cours des derniers mois, l’intensité de la douleur, les peurs et croyances envers l’activité physique et le travail, les stratégies utilisées pour faire face au mal de dos, l’état émotionnel, les pratiques et politiques organisationnelles en matière de santé et sécurité et le statut fonctionnel. Les participants ont été contactés à trois reprises pour répondre aux questionnaires soit à moins de douze semaines de l’arrêt de travail (stade subaigu du mal de dos), puis six et douze mois plus tard. Il s’agissait donc d’un devis prospectif longitudinal. Certains d’entre eux ont accepté de fournir des échantillons de sang et de salive afin de nous permettre de vérifier le troisième objectif mentionné ci-haut.

En ce qui concerne le premier objectif, les résultats indiquent que le modèle théorique d’adaptation au stress est plausible pour expliquer les liens entre différentes variables et le statut fonctionnel (c.-à.-d. la capacité d’un individu à accomplir ses activités quotidiennes). Plus précisément, l’exposition à des stresseurs combinée à la croyance que l’activité physique est nuisible pour le mal de dos contribue à la détresse émotionnelle. Cette détresse et la croyance que l’activité physique est nuisible contribuent à l’évitement de l’activité physique. Finalement, la détresse et l'évitement de l’activité favorisent des incapacités accrues. Ces résultats ont été obtenus à l’aide des données recueillies lors de la première prise de mesure soit à moins de 12 semaines de l’arrêt de travail.

L’utilité du modèle pour prédire le statut fonctionnel six mois après l’arrêt de travail a également été vérifiée, mais partiellement en raison de certaines difficultés statistiques. Les résultats indiquent que trois variables mesurées au stade subaigu du mal de dos contribuent à expliquer le statut fonctionnel au suivi de six mois. Il s’agit, par ordre décroissant d’importance, du statut fonctionnel, des peurs et croyances envers l’activité physique et de la détresse. Ces résultats suggèrent que le modèle d’adaptation au stress est également utile pour prédire le statut fonctionnel à long terme.

Concernant le deuxième objectif, les résultats indiquent que la perception des travailleurs des pratiques et politiques organisationnelles en matière de santé et sécurité au travail ne contribue pas à expliquer les trois indicateurs d'incapacité chronique mesurés : c.-à-d. le statut fonctionnel, le nombre de jours d’absence et la situation d’emploi (retourné au travail ou non). Toutefois, une analyse a posteriori révèle qu’une perception négative des pratiques et politiques en SST est associée à des peurs et croyances accrues face au travail (peur de s’y blesser de nouveau et d’y retourner). Cette dernière variable est par ailleurs l’une des variables les plus importantes pour expliquer le développement vers l’incapacité chronique.

En ce qui a trait au troisième objectif, nos résultats suggèrent que l’incapacité chronique à retourner au travail serait associée à un dysfonctionnement de la réponse biologique de stress (c.-à-d. à une diminution de la sécrétion des hormones sollicitées pour faire face au stress). Ces résultats nouveaux devront toutefois être confirmés dans des études ultérieures. Ces études pourraient mener à l’identification de mécanismes explicatifs du lien, par exemple, entre la détresse et l’incapacité.

L'utilisation de modèles théoriques sophistiqués, tel que celui développé dans cette étude, a des retombées autant scientifiques que cliniques. D'un côté, ces modèles permettent de mieux comprendre la dynamique complexe du développement de l'incapacité chronique. De l'autre, les modèles permettent de développer de nouvelles interventions ciblées vers leurs facteurs-clés et modifiables. Les présents résultats devraient mener à l’élaboration et la vérification de modèles encore plus exhaustifs visant à intégrer les caractéristiques ergonomiques et psychosociales des environnements de travail ainsi que la réponse physiologique de stress.

ISBN

9782896311095 (PDF)

9782896311088 (version imprimée)

Mots-clés

Maux de dos, Backache, Forme chronique, Chronic form, Maintien en emploi, Job maintenance, Psychologie de l'absentéisme, Psychology of absenteeism, Aspect psychosocial, Psychosocial aspect, Émotivité, Emotivity, Stress, Dosage dans la salive, Determination in saliva, Aspect psychologique, Psychological aspect, Étude longitudinale, Longitudinal study, Québec

Numéro de projet IRSST

0099-1290

Numéro de publication IRSST

R-487

Partager

COinS