Type de document
Rapports de recherche scientifique
Année de publication
2007
Langue
Français
Résumé
L’asthme professionnel est maintenant la maladie respiratoire professionnelle la plus répandue. Par contre il y a peu d’études prospectives de l’histoire naturelle de l’allergie respiratoire à partir du début de l’exposition à des agents causals au travail jusqu’au développement des stades pré cliniques et cliniques de la maladie elle-même. Parmi les principales critiques formulées à l’endroit des quelques études existantes on retrouve: 1) que les sujets ont été recrutés, non pas au début, mais après quelques années d’exposition ; 2) que le pourcentage de pertes au suivi était élevé.
Au Québec, comme dans la plupart des pays industrialisés, l’asthme professionnel défini comme « une maladie caractérisée par une limitation variable du débit respiratoire et/ou une hyperréactivité bronchique due à des causes et conditions attribuables à un environnement de travail particulier et non à des stimuli rencontrés en dehors des lieux de travail » représente actuellement la maladie pulmonaire professionnelle la plus fréquente avec environ 60 nouveaux cas/an reconnus par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST). À la différence des pneumoconioses dues à l’inhalation de poussières inorganiques, l’asthme professionnel affecte de jeunes travailleurs. En effet, le temps de latence à partir du début de l’exposition pour développer la sensibilisation allergique à l’agent professionnel puis les symptômes est de moins de 5 ans dans au moins la moitié des cas.
Seulement un petit nombre d’études longitudinales ont été effectuées pour caractériser l’histoire naturelle de l’asthme professionnel et il y a très peu de données sur le temps de latence entre le début de l’exposition et le développement de la sensibilisation immunologique spécifique causée par des agents de haut poids moléculaire d’origine professionnelle.
L’objectif général de cette étude était de poursuivre la caractérisation de l’histoire naturelle de l’asthme professionnel dû à des agents de haut poids moléculaire (HPM) d’origine professionnelle chez des personnes déjà suivies durant tout leur apprentissage (Étude des Apprentis) dans les domaines de techniques de santé animale, pâtisserie et techniques hygiène dentaire et qui, en majorité, étaient susceptibles d’avoir alors un emploi.
Le premier objectif était de retracer les sujets ayant participé à l’Étude des Apprentis, de déterminer leur statut d’emploi et leur histoire de travail depuis la fin de leur formation professionnelle quatre à dix ans auparavant.
Le deuxième objectif était de suivre le développement des manifestations intermédiaires conduisant à l’installation de l’asthme professionnel probable, c’est à dire la sensibilisation allergique spécifique aux animaux de laboratoire, aux farines ou au latex selon la formation initiale, les symptômes respiratoires au travail, et l’hyperréactivité des bronches (HRB).
Ce rapport porte sur 428 sujets ayant complété au moins un visite de suivi durant l’étude des apprentis et terminé leur formation entre 1995 et 1998. Ces sujets pouvaient avoir (avoir eu) ou non un emploi dans le domaine de leur formation professionnelle initiale, c’est à dire comportant des expositions professionnelles au(x) même types d’agent(s) allergénique(s). Pour l’ensemble du groupe à l’étude, 89.3% (382/428) des sujets ont été retracés, 73% en pâtisserie, 95.2% en techniques de santé animale et 92.7% en techniques d’hygiène dentaire.
Les taux de réponse et de participation des sujets sont très satisfaisants. Un pourcentage très élevé des sujets éligibles (89%, 382/428) a été rejoint, dépassant ainsi l’objectif de 80% ; de même, la participation au suivi de 80.8% (346/428) se situe au delà des prévisions établies à 64%. Le taux élevé de participation et le faible pourcentage de refus nous permettent de croire qu’il y a peu de risque que les résultats actuels de notre étude soient biaisés.
À notre connaissance, il n’y a pas eu d’études de cohorte prospectives de cette envergure, en terme de taille de la population, de durée de suivi et de taux élevé de participation. Notre étude, est unique en ce que les sujets ont été recrutés et évalués au début de leur apprentissage, au moment où ils ont été exposés pour la première fois à des agents professionnels de haut poids moléculaire, puis suivis jusqu’à leur insertion dans un milieu de travail 8 à 12 ans après l’entrée dans la cohorte.
Aucune étude, à notre connaissance, n’a décrit l’évolution de marqueurs précoces de l’asthme professionnel, tels la sensibilisation immunologique spécifique, l’augmentation de la réactivité bronchique et les symptômes respiratoires au travail, apparus chez des sujets nouvellement exposés à des agents allergéniques dans leur milieu d’apprentissage. Il est vrai néanmoins que plusieurs études ont suivi le devenir de travailleurs atteints d’asthme professionnel dû à des agents de HPM (agents protéiques) ou de BPM (agents chimiques, e.g., isocyanates) ; celles-ci ont démontré qu’une majorité des travailleurs atteints d’asthme professionnel demeurent avec des séquelles même dix et quinze ans après le retrait de l’exposition (46). Les résultats de notre étude suggèrent que la réversibilité est plus importante pour les marqueurs précoces de l’asthme professionnel que pour la maladie une fois installée. La durée d’exposition tout comme la sévérité de l‘atteinte pourraient être en cause pour expliquer ces différences, d’autres analyses seront effectuées en vue de vérifier cette hypothèse.
Les analyses effectuées à date montrent que l’incidence de sensibilisation spécifique se poursuit après la formation professionnelle chez les ex-apprentis dont l’emploi est relié à la formation. L’incidence cumulée (8.0%) semble moindre néanmoins que durant les premières années d’exposition (17.9%). L’incidence de sensibilisation spécifique chez les ex-apprentis dont l’emploi n’est pas relié à la formation au moment de la visite de suivi à long terme est, de façon étonnante, de 7.8% dix ans après le début de l’exposition; ceci pourrait s’expliquer par le fait que des individus sensibilisés ont eu un premier emploi dans le domaine de leur formation et ont ensuite quitté cet emploi à cause de leur état de santé. Cette hypothèse pourra être vérifiée par des analyses plus fines de l’histoire professionnelle qui a été recueillie par questionnaire.
Cette étude comporte néanmoins quelques limites. Les questions sur les symptômes au travail et sur l’histoire professionnelle ont été posées par la même intervieweuse. Ceci est dû à la conception même des questionnaires. Nous sommes d’avis que même si un biais d’information a pu être présent, il reste faible étant donné la prévalence non négligeable de sujets rapportant des symptômes même si leur travail n’est pas lié à la formation. Par ailleurs, l’évolution des marqueurs objectifs d’AP (réactivité cutanée aux allergènes spécifiques et réactivité bronchique) va dans le même sens que celle des symptômes au travail.
Dans cette cohorte québécoise de travailleurs suivis depuis le début de leur formation professionnelle et à risque de développer de l’asthme professionnel, la proportion de sujets dont l’emploi est relié à la formation est élevée et supérieure à 80% pour les sujets formés en techniques de santé animale et en techniques d’hygiène dentaire, mais faible pour les ex-apprentis en pâtisserie.
Quatre à dix ans après la fin de leur apprentissage, les travailleurs dont l’emploi est relié à la formation professionnelle, peuvent encore développer de nouvelles sensibilisations spécifiques aux allergènes auxquels ils sont exposés dans leur milieu de travail.
Un peu plus de la moitié des sujets qui avaient développé une hyperréactivité bronchique durant l’apprentissage ont tendance à retrouver le niveau de réactivité bronchique mesuré au début de leur formation professionnelle.
L’incidence de symptômes de rhinite au travail, leur persistance ainsi que leur réversibilité sont étroitement dépendantes du fait que l’emploi actuel soit relié ou non à la formation professionnelle. Une telle tendance n’est pas observée cependant en ce qui a trait aux symptômes respiratoires au travail.
Dix à 12 ans après le début de l’exposition à des agents professionnels de HPM, plus de la moitié des travailleurs chez qui on a détecté un asthme professionnel probable durant la période de surveillance post-apprentissage, avaient développé un marqueur de cette maladie, soit une sensibilisation immunologique spécifique, et/ou une hyperréactivité bronchique et/ou des symptômes de rhino conjonctivite, durant leur formation.
ISBN
9782896311217 (PDF)
9782896311200 (version imprimée)
Mots-clés
Asthme allergique, Allergic asthma, Maladie professionnelle, Occupational disease, Sensibilisation, Sensitisation, Affection respiratoire, Respiratory disease, Allergène, Allergen, Animal de laboratoire, Experimental animal, Farine, Flour, Latex, Boulangerie et biscuiterie, Bakery products industry, Travail auprès d'animaux, Contact work with animals, Service dentaire, Dental service, Évaluation du risque, Hazard evaluation, Durée d'exposition, Length of exposure, Test cutané, Skin test, Épreuve par inhalation, Inhalation test, Bronchite chronique, Chronic bronchitis, Rhinite allergique, Allergic rhinitis, Conjonctivite allergique, Allergic conjonctivitis, Longitudinal study, Québec
Numéro de projet IRSST
0099-1640
Numéro de publication IRSST
R-494
Citation recommandée
Gautrin, D., Malo, J.-L., Infante-Rivard, C. et Ghezzo, H. (2007). Surveillance de l'asthme professionnel chez les travailleurs dans des secteurs à risque (Rapport n° R-494). IRSST. https://pharesst.irsst.qc.ca/rapports-scientifique/473
