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Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2003

Langue

Français

Résumé

L’Association Minière du Québec a logé une demande à l’effet d’utiliser le Air Cooling Power (ACP) comme indice de contrainte thermique dans les mines souterraines. Cet indice est en fait une adaptation de l’approche analytique basée sur le calcul du bilan thermique entre l’homme et son environnement. L’objectif premier de cette étude est de déterminer si cette approche rationnelle est au moins équivalente ou encore plus appropriée aux conditions de travail en mine profonde que l’application de l’indice WBGT. Elle doit aussi vérifier que le niveau d’astreinte thermique des travailleurs soit en deçà des limites généralement acceptées sous l’un ou l’autre indice.

L’ACP fait intervenir la pression atmosphérique dans le calcul de l’ensemble des éléments du bilan thermique. Pour le reste, cette approche rationnelle suit le même raisonnement que la norme ISO 7933 (ISO 1989). Assumant un bilan thermique neutre, elle prévoit que la production interne de chaleur soit compensée par les échanges de chaleur au niveau respiratoire, et par les échanges par conduction, convection, rayonnement, et l’évaporation maximale au niveau de la peau.

Les données environnementales; températures de l’air, humide et globe, vitesse de l’air, humidité et pression barométrique ont été enregistrées à des niveaux de profondeur variant entre 1460 et 2150 mètres. Aux fins de l’analyse comparée des différents indices de contrainte thermique (WBGT, ACP, ISO 7933 et la version révisée de ISO faisant l’objet d’une proposition, notée ISO 2000), deux ambiances théoriques ont été définies; l’une composée des valeurs les plus favorables de chacun des paramètres, l’autre composée des plus défavorables. Il convient de mentionner que les valeurs observées de ces paramètres se situent à l’intérieur de plages très restreintes. De son côté, l’astreinte thermique a été estimée sur la base de sa composante cardiaque. Cinq sujets âgées entre 21 et 49 ans ont été l’objet d’un monitoring sur l’ensemble de leur quart de travail. Ils effectuaient des tâches identifiées comme étant parmi les plus contraignantes.

L’analyse comparative des indices sous l’ambiance favorable et défavorable utilise des valeurs de dépense énergétique de 200, 300, 400 et 450 Watts, pour des travailleurs acclimatés et non acclimatés. L’application de l’indice WBGT (corrigé de 3,5°C pour le port d’un bleu de travail) à l’ambiance favorable (WBGTcorr. de 26.1°C) montre que les travailleurs acclimatés peuvent supporter des charges de travail allant jusqu’à 450 Watts, les non acclimatés doivent adopter un régime d’alternance / repos sous une charge de 450 Watts. Toujours sous ambiance favorable, l’indice ISO 7933 adopté en 1989 limiterait l’exposition d’un travailleur acclimaté sous une charge de travail de 450 watts sur la base des pertes hydriques. Pour les travailleurs non acclimatés, la durée de travail est limitée dès que la charge de travail atteint 400 Watts. Finalement, la proposition 2000 de la même norme ISO n’indique aucune limite sous cette ambiance.

Il en va différemment sous l’ambiance défavorable. L’indice WBGT prévoit alors des alternances travail/repos pour tous les travailleurs, acclimatés ou non, et ce même pour des charges de travail de 200 Watts. Pour les deux versions ISO 7933, seules la norme de 1989 permet une durée de travail de 8 heures à 200 Watts pour le travailleur acclimaté. Toutes les autres situations ont une durée de travail limitée variant entre 24 minutes et 3h56, déterminées par les pertes hydriques ou l’élévation des températures corporelles.

L’ACP, sous l’ambiance favorable et sous la pression barométrique la plus élevée, soit 122.8 kPa, limite la dépense énergétique à 305 watts/m2, soit 549 Watts pour un homme standard, alors qu’elle serait de 111 watts/m2, ou 200 watts pour l’homme standard sous l’environnement défavorable. Sous une pression barométrique de une atmosphère, soit 101.3 kPa, ces deux valeurs seraient de 322 watts/m2 et 119 watts/m2 respectivement.

L’analyse de l’astreinte cardiaque se base sur les valeurs limites de fréquence cardiaque sur des périodes de temps variant depuis la moyenne sur une seule minute (FCmax) jusqu’à la durée complète du quart de travail (FCmoy) en passant par sept fenêtres de temps variant entre 5 et 90 minutes. Il y a dépassement de certaines des limites utilisées dans quatre cas sur les huit quarts observés retenus dans cette étude. Tous les cas de dépassement sont multiples. Dans deux cas, l’ensemble complet des limites utilisées est dépassé.

Heureusement, l’application de l’indice WBGT corrigé à l’ambiance défavorable, quoique sur une base incorrecte, amène à la conclusion que le travail sous ambiance défavorable est inacceptable. En fait, si on compare la seule conclusion sur l’acceptabilité de la situation de travail, l’étude montre une cohérence surprenante entre les indices WBGT et ISO, autant sous ambiance favorable que défavorable.

L’indice ACP semble pour sa part permettre des expositions trop élevées. Cet indice peut être utile pour situer le niveau de contrainte avant que des modes de surveillance spécifiques aux mines profondes soient développés, cependant, l’utilisation de la norme ISO 7933 a l’avantage d’être supportée scientifiquement par un organisme reconnu et de faire l’objet de mises à jour qui font suite à des études exhaustives. L’indice ACP est aussi lourd d’application que ISO 7933, et sa documentation scientifique est incomplète, voire parfois contradictoire. Les limites d’application proposées par certains auteurs ne sont pas respectées par le logiciel qui nous a été fourni. L’ACP ne considère que l’élévation des températures corporelles, non pas les pertes hydriques qui limitent pourtant la durée d’exposition selon ISO. Pour toutes ces raisons, nous ne retenons pas l’indice ACP, dans la forme qui nous a été proposée, comme un outil valable d’analyse des contraintes thermiques.

À défaut d’une norme spécifique, l’application du WBGT et de l’indice ISO 7933 peut assurer une sécurité acceptable dans les mines profondes à la condition d’assurer un contrôle stricte de l’acclimatement des travailleurs, d’appliquer les facteurs de correction pour la tenue vestimentaire, d’estimer les valeurs de métabolisme de façon conservatrice (favorisant les valeurs supérieures), d’utiliser les deux indices à la fois et retenir le plus sévère, d’assurer un suivi médical étroit des travailleurs, d’offrir à tous une formation adaptée sur le travail en ambiance chaude, et enfin, de maintenir de l’eau potable et des breuvages disponibles partout.

Mots-clés

Indice de contrainte thermique, Heat stress indice, Évaluation de la charge thermique, Heat stress assessment, Indice WBGT, WBGT index, Lieu de travail chaud, Hot workplace, Bilan thermique, Thermal balance, Charge thermique, Heat load, Acclimatation à la chaleur, Heat acclimatisation, Pression atmosphérique, Atmospheric pressure

Numéro de projet IRSST

0099-2580

Numéro de publication IRSST

R-350

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