Type de document
Rapports de recherche scientifique
Année de publication
2002
Langue
Français
Résumé
L’étude présente les résultats d’implantation d’une démarche participative visant l’analyse de tâches variées dans deux entreprises au contexte différent : l’une au contexte favorable à cette approche (usine 2), l’autre au contexte peu favorable (usine 1). Dans les deux entreprises, la structure d’intervention était basée sur un groupe d’ergonomie formé d’opérateurs et de spécialistes techniques; ce comité était encadré tout au long de l’intervention par des ergonomes et chapeauté par un comité de suivi, constitué de représentants de la direction et du syndicat.
Le projet a été réalisé en fonction de quatre objectifs :
- transformer des situations de travail à risque en vue de réduire les risques de troubles musculo-squelettiques et les risques à la sécurité;
- valider, en entreprise, une démarche d’analyse de poste conçue pour les tâches variées à cycle long et destinée aux gens de l’entreprise;
- analyser tout au long de l’intervention, par des méthodes ergonomiques, les difficultés rencontrées par les membres des groupes ergo avec la démarche d’analyse de poste, dans le but de mieux comprendre le processus d’apprentissage de l’ergonomie en milieu de travail;
- documenter tout au long de l’intervention, par les méthodes de l’andragogie, l’évolution des représentations des membres des groupes ergo quant à différentes dimensions identifiées lors d’études antérieures (St-Vincent et al., 1997) comme étant déterminantes dans le processus d’apprentissage.
La démarche d’analyse destinée aux tâches variées, beaucoup plus complexes à analyser que les tâches répétitives, est brièvement expliquée à la section méthodologie et présentée de façon plus détaillée en annexe. Pour les tâches répétitives, lors de l’analyse des séquences vidéos de l’activité de travail, la porte d’entrée était le facteur de risque (St-Vincent et al., 1996,1998). Pour les tâches variées, l’analyse des vidéos vise cette fois à faire verbaliser plus librement les participants et à identifier plus directement les déterminants à l’origine des risques et des difficultés rencontrés.
Vu leur contexte très différent, la présentation des résultats est axée sur une comparaison entre les deux entreprises à l’étude.
Dans les deux entreprises, des transformations significatives ont été apportées aux situations de travail analysées (quatre à l’usine 1, trois à l’usine 2). Dans les deux cas, ce sont les déterminants techniques du travail (équipements, outils, aménagements physiques) qui ont donné lieu à la majorité des transformations. On constate qu’à l’usine 2, les solutions sont plus d’envergure, aussi bien en terme de complexité qu’en terme économique.
L’analyse des difficultés rencontrées par les participants, mène à des résultats qui diffèrent radicalement selon l’entreprise concernée. À l’usine 2, des difficultés attendues sont rencontrées. Les difficultés sont surtout de faible et de moyenne intensité et portent principalement sur les dimensions méthodologiques de l’ergonomie et sur la transmission de connaissances factuelles. Les difficultés rencontrées s’estompent au fil du temps. En fin de projet, les participants ont acquis beaucoup d’autonomie. Ils maîtrisent très bien la démarche d’analyse et assument les rôles proposés par les ergonomes : animation, secrétariat et travail terrain (entretiens auprès des travailleurs, enregistrement des séquences vidéo).
À l’usine 1, la situation est tout autre. Dès l’analyse du second poste, des difficultés d’intensité élevée émergent. Les discussions liées à la dimension méthodologique sont rares car les difficultés sont liées aux fondements et aux objectifs mêmes de l’ergonomie. Les participants ont tendance à blâmer les travailleurs observés sur leur façon de travailler plutôt que de chercher les causes des problèmes rencontrés, comme les ergonomes le proposent. De plus, les participants ont de la difficulté à poser les spécifications des solutions et sont très réticents à collaborer avec les ingénieurs de l’entreprise, comme le veut l’approche participative. En fin de projet, une évolution est observée : les participants des groupes ergo recherchent davantage les causes des problèmes et acceptent finalement de travailler avec les ingénieurs. De plus, leur vison de l’ergonomie s’élargit. La prise d’autonomie est cependant faible. Les participants maîtrisent mal la démarche proposée et n’assument pas les rôles prévus d’animation des réunions et de secrétariat; ils n’assument pas non plus l’enregistrement vidéo des activités de travail analysées.
L’analyse des représentations des participants fait également ressortir des différences entre les deux entreprises. À l’usine 2, où il y avait eu récemment une expérience d’analyse participative d’une situation de travail, dès le départ, les participants ont une vision systémique de la prévention et de l’ergonomie. Les participants se sentent capables d’analyser le travail et de concevoir des solutions. De plus, ils se sentent bien supportés par leurs pairs et par la direction, ils ont confiance que les solutions proposées seront implantées. À l’usine 1, où il n’y avait aucun passé en ergonomie, au début du projet, la vision de la prévention et des accidents s’articule surtout autour de la responsabilité individuelle. Cette représentation évolue en cours d’intervention vers une vision plus systémique qui intègre d’autres dimensions, comme l’organisation et l’aménagement des postes. Les participants se sentent appuyés par les autres travailleurs mais certains mettent en doute le sérieux de la direction, ce qui entraîne un sentiment de pessimisme. Les participants des deux entreprises sont à l’aise avec les outils proposés par les ergonomes et ont une perception très positive des réunions de travail.
Dans la discussion, les chercheurs soulignent que l’approche développée pour l’analyse des tâches variées n’est pas généralisable à toutes les entreprises et que des efforts devraient être maintenus pour développer des démarches mieux adaptées aux entreprises au contexte plus difficile. Les chercheurs soulignent la complémentarité entre les méthodes utilisées par les ergonomes pour analyser les difficultés rencontrées par les participants et celles utilisées par l’andragogue pour analyser les représentations.
Les chercheurs expliquent les différences observées entre les deux entreprises par des facteurs liés au contexte et à la culture d’entreprise et soulignent aussi l’influence possible de facteurs individuels. L’analyse des difficultés rencontrées par les participants mène à des constats généraux sur l’apprentissage de l’ergonomie en milieu de travail.
Finalement, les chercheurs proposent un bilan de l’intervention dans ces deux entreprises au contexte si différent.
Le bilan dans l’usine 2 est très positif. Des transformations d’envergure ont été générées et les participants ont très bien maîtrisé la démarche d’analyse de poste. Toutefois le gain au niveau des représentations est faible, car celles-ci étaient déjà riches et complexes au début de l’intervention.
Le bilan dans l’usine 1 est plus mitigé. Là aussi des transformations significatives ont été implantées, cependant des difficultés importantes ont été rencontrées. Malgré une évolution non négligeable, en fin de projet, des difficultés subsistent et la prise d’autonomie est faible. Cependant, compte tenu de la situation initiale, le gain au niveau des représentations est beaucoup plus important et des barrières importantes ont été franchies.
Ainsi, les chercheurs pensent que l’apport de l’intervention a été plus significatif à l’usine 1, celle au contexte non favorable. Dans une perspective de prévention des TMS, les chercheurs discutent de l’importance de poursuivre des recherches afin d’adapter les démarches d’intervention aux usines au contexte difficile, où il y a peu d’études, en raison des risques et des difficultés que cela soulève.
Mots-clés
Ergonomie, Ergonomics, Participation des travailleurs, Worker participation, Méthodologie, Methodology, Analyse par comparaison, Comparative analysis, Québec
Numéro de projet IRSST
0097-0590
Numéro de publication IRSST
R-306
Citation recommandée
St-Vincent, M., Tellier, C., Chicoine, D., Laberge, M., Lortie, M. et Fernandez, J. (2002). Comparaison de l'implantation d'une démarche d'ergonomie participative et d'outils d'analyse du travail destinés aux tâches variées dans deux entreprises au contexte différent (Rapport n° R-306). IRSST. https://pharesst.irsst.qc.ca/rapports-scientifique/649
