Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2002

Langue

Français

Résumé

Comme la majorité des projets dans le domaine de la santé et sécurité du travail (SST), celui dont nous faisons aujourd’hui le bilan est issu, d’une part, de la demande d’un milieu aux prises avec une problématique, ici il s’agit des troubles musculo-squelettiques (TMS), et d’autre part, de l’intérêt de chercheurs pour des avancées théoriques et méthodologiques en ergonomie.

Une grande entreprise de la métallurgie a constaté via ses services de santé un accroissement des troubles musculo-squelettiques aux membres supérieurs et au dos dans plusieurs de ses centres de production. Par ailleurs, son service d’ergonomie poursuit l’objectif de constituer des « groupes Ergo » qui contribuent à la prévention des TMS par des activités de diagnostic et de transformation des situations de travail à risque.

Dans la perspective de répondre à cette demande, un programme d’intervention a alors été créé par les ergonomes chercheurs, à partir d’outils élaborés antérieurement (St-Vincent et al. 1996; Simoneau et al.,1996; Bellemare et al., 1996). Ce programme a pour objectif de former des acteurs de l’entreprise à faire le diagnostic de situations de travail à risque de TMS et à participer à des projets de transformation. L'implantation du programme s’est faite dans cinq centres de production répartis dans deux usines. Les ergonomes chercheurs ont participé à l’implantation du programme, depuis la formation des acteurs de l’entreprise jusqu’à la réalisation des transformations dans les différentes situations de travail à risque de TMS. Un chercheur sociologue, spécialisé en évaluation de programme, a assuré, en collaboration avec le reste de l’équipe de recherche, l’évaluation du processus et de ses résultats, selon le modèle de l’évaluation réaliste (Pawson et Tilley, 1997).

Le dispositif d’intervention mis en place comportait un comité de pilotage dans chaque établissement et sept groupes Ergo, soit quatre à l’usine A et trois à l’usine B. Au total, vingt-sept personnes ont participé à la formation : 14 étant des employés de production ou d’entretien, 13 étant des cadres (superviseurs, techniciens et ingénieurs chargés de projet). Chaque groupe Ergo a réalisé au moins un diagnostic des facteurs de risque dans une situation de travail donnée et a participé à l’élaboration de plusieurs projets de transformation Les neuf diagnostics ont donné naissance à 40 projets dont 23 étaient réalisés 18 mois après le début de l’intervention. Les ergonomes ont dressé, pour chacune des situations de travail ayant été l’objet d’un diagnostic, un bilan des transformations par des observations sur le terrain. Il s’agissait de vérifier le degré de réalisation des transformations et l’atteinte des objectifs SST. Toutes les situations de travail étudiées ont été transformées sauf une. Les transformations réalisées ont permis de diminuer les facteurs de risque de TMS dans chacune des huit situations de travail touchées.

À la lumière des données consignées au journal de bord et des documents produits par les participants, l’équipe de recherche a reconstitué la trajectoire de chaque transformation pour tenter de mettre en évidence les leviers facilitant la concrétisation des projets et les obstacles rencontrés au cours du processus. Il s’est avéré que la majorité des projets initiés et réalisés par les participants à la formation portaient sur l’équipement et se caractérisaient par des circuits de décision courts. De plus, il est ressorti que, pour qu’un projet d’envergure se réalise, l’enjeu TMS doit être appuyé par des enjeux de type sécurité, qualité ou autre, plus porteurs pour la direction. Enfin, le passage de l’idée de solution à l’élaboration d’un projet de transformation apparaît crucial pour sa réalisation : en plus des savoir-faire en analyse du travail appris au cours de la formation, la réalisation des projets suppose une connaissance riche des processus – formels et informels - de conduite de projets propres à l’usine. Les réalisations ont porté essentiellement sur les domaines « matériels » de transformation, soit les outils, aménagements et équipements. Les projets touchant à l’organisation, la formation, les méthodes n’ont pas été menés à terme.

Le programme d’intervention que nous avions conçu au départ s’appuyait sur les expériences déjà tentées en ergonomie participative par des collègues et par nous-mêmes. Il se voulait une proposition soumise à des acteurs plutôt qu’une recette à appliquer. La porte était donc ouverte pour apporter des modifications et permettre ainsi une meilleure adaptation de l’intervention aux différents contextes. Certains des changements apportés au programme initial nous amènent à modifier l’enchaînement des principes d’intervention et à présenter un nouveau modèle qui pourrait servir de point de départ pour de futures interventions. L’analyse du journal de bord nous a permis également de faire ressortir le rôle important joué par les ergonomes dans l’implantation de ce type de programme comme suscitant des recadrages aux moments opportuns : marges financières, contraintes de la production, envergure des projets et nature des déterminants touchés, association de services ou d’experts à la réalisation des projets, rôles respectifs des groupes Ergo et de l’ergonome, enjeux de la formation, nouvelles idées de solution… Certains de ces recadrages se font au sein des groupes Ergo, d’autres nécessitent une discussion avec le comité de pilotage.

L’intervention, telle que nous l’avions planifiée, s’est appuyée sur trois modèles théoriques : d’abord, celui des TMS comme associés à la présence de facteurs de risque eux-mêmes reliés à certains déterminants des situations de travail; ensuite, celui de l’activité de travail prôné par l’ergonomie francophone ; finalement, celui de « l’activité future » pour réfléchir sur les conséquences des choix effectués au cours du processus de transformation d’une situation de travail. Certaines modifications apportées lors de l’implantation du programme nous amènent à questionner ces modèles sous-jacents et à proposer des pistes de recherche.

Ainsi, l’approche par facteurs de risque, utile pour définir les objectifs de transformation d’une situation et pour en évaluer les résultats, ne suffit pas à poser des balises pour l’élaboration des solutions. Par contre, le modèle de l’activité de travail, qui a guidé les activités de formation, semble plus pertinent à cet égard mais nous apparaît difficilement maîtrisable par des non-ergonomes : il relève davantage de la compétence professionnelle d’un ergonome. Pour ce qui est du modèle de l’activité future, il nous apparaît utile non seulement dans le cadre de projets importants de transformation (projets d’investissement) mais aussi dans le cadre de projets de plus petite envergure : le recours aux simulations basées sur l’analyse de l’existant, qu’il s’agisse de la situation de départ ou de situations de référence, a permis aux groupes Ergo d’affiner les projets de transformation.

Cette recherche a permis de mettre au point plusieurs outils de recueil et d’analyse de données pour des recherches futures portant sur les interventions : les fiches thématiques, le journal de bord, les fiches-trajectoires sont autant d’outils méthodologiques qui ont permis un retour sur le processus d’intervention. En effet, l’évaluation avait pour but d’analyser non seulement les résultats obtenus mais également d’ouvrir la « boîte noire » de l’intervention pour s’intéresser au processus qui y conduit.

Mots-clés

Ergonomie, Ergonomics, Participation des travailleurs, Worker participation, Troubles musculosquelettiques, Musculoskeletal disease, Programme de prévention, Health and safety program, Industrie métallurgique de base, Industrie métallurgique de base, Basic metal industry, Méthodologie, Methodology, Évaluation des résultats, Evaluation of results

Numéro de projet IRSST

0096-0050

Numéro de publication IRSST

R-292

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