Type de document
Rapports de recherche scientifique
Année de publication
2020
Langue
Français
Résumé
Les chutes de hauteur sont encore aujourd’hui une des principales causes d’accident au Québec, et la deuxième cause en termes de coûts sur la période 2010 – 2012, avec une moyenne de 397 millions de dollars par année. Selon la CNESST, les statistiques de lésions impliquant les échelles, que ce soit en construction ou en établissement, montrent une augmentation au fil des ans (période de 2007 à 2012) et sur la période 2009 à 2013, 20 % des lésions dues à une chute de hauteur ont été causées par une chute à partir d’une échelle.
Un des principaux critères affectant la stabilité des échelles est l’angle d’inclinaison de celle-ci. De cet angle découle la stabilité de l’échelle pour le glissement du pied et du basculement en arrière. L’angle idéal se situe autour de 75 ° afin d’éviter le glissement du pied, mais un angle important rend la probabilité de basculement en arrière plus grande. Au Québec, le Code de sécurité pour les travaux de construction impose un angle compris entre 75,5 ° et 70,5 °. Ce critère est aussi présent dans le Règlement sur la santé et la sécurité du travail.
L’étude présentée vise à déterminer les limites de stabilité lors de l’utilisation d’échelles portatives et escabeaux. Ces limites de stabilité ont été déterminées en fonction du type de surface en pied et en tête d’échelle, de la hauteur du travailleur sur l’échelle, et pour des angles inclus dans les limites fixées par les règlements provinciaux : 70,5 ° et 75,5 °, pour différentes positions. Les essais ont été réalisés en laboratoire.
Deux échelles commerciales de 24 pieds (7,3 m) ont été utilisées pour les essais. La première est en aluminium, tandis que la seconde est en fibre de verre. Ces deux échelles sont conformes à la norme CSA Z11 et de classe 1A (extra heavy duty). Des escabeaux en aluminium de 12 pieds (ESC12) et 6 pieds (ESC6) ont également été utilisés pour les essais, et sont, comme les échelles, conformes à la norme CSA Z11 et de classe 1A. Deux expérimentateurs de taille et poids différents ont participé à la réalisation des essais, leur poids a été modifiée en utilisant une veste et une ceinture lestées. Les forces ont été mesurées par des plateformes de force et enregistrées via un logiciel d’acquisition des données, à une fréquence de 100 Hz.
Dans un premier temps, des essais préliminaires pour différentes surfaces d’appui ont été réalisés afin d’identifier les cas critiques. En pied d’échelle, le béton lisse et le carrelage ont été considérés, mouillés ou secs. Au sommet de l’échelle, le gypse, le bois, l’acier et l’aluminium ont été considérés, et certains essais ont été faits avec l’échelle en appui sur ses montants. Les surfaces critiques en pied et au sommet de l’échelle sont respectivement : le carrelage et l’acier. Les essais subséquents ont été réalisés avec ces surfaces d’appui.
L’ordre de réalisation des essais a été partiellement randomisé pour éliminer les biais expérimentaux. En tout, un peu plus de 300 essais de stabilité ont été réalisés sur les échelles escabeaux. Les expérimentateurs ont réalisé une séquence de mouvements dans le même ordre pour chaque essai :
- Position de départ : debout, droit, au repos;
- Position 1 (P1) : reculé, bras tendus;
- Position 2 (P2) : penché sur le côté, main sur l’échelon de l’échelle;
- Position 3 (P3) : retourné en se tenant avec une seule main, bras tendu si possible. Dans le cas d’une échelle non déployée, pour l’expérimentateur E1 (le plus grand et lourd), le risque d’instabilité est présent aux échelons 2 et 3 pour tous les angles d’installation et positions; à l’échelon 4 pour tous les angles d’installation dans le cas des positions P1 et P3; et aux échelons 5 et 6 dans le cas de la position P3 pour des angles d’installation de 72,5 ° et 75 ° respectivement. En d’autres termes, plus l’angle d’installation est important, plus le risque de basculement arrière est grand, et présent jusqu’à une hauteur importante sur l’échelle.
Le matériau de l’échelle influe également sur le risque d’instabilité : plus l’échelle est lourde (fibre de verre), moins le risque d’instabilité est grand. Choisir une échelle en fibre de verre permet d’abaisser l’échelon pour lequel le risque d’instabilité existe, cependant, une échelle plus lourde entraîne des contraintes supplémentaires pour sa mise en place et sa manutention, qui doivent également être considérées.
Par la suite, un modèle analytique a été développé et validé sur la base des résultats expérimentaux afin de généraliser les conclusions de l’étude. L’étude paramétrique menée à l’aide de modèles analytiques a permis de valider les observations faites lors des essais et de généraliser les conclusions pour les échelles déployées et non déployées. Plus le travailleur sera lourd, plus le risque d’instabilité sera présent sur des échelons assez hauts par rapport au sol (5e ou 6e échelon suivant les positions). La taille du travailleur est également un facteur influençant le risque de perte de stabilité : un travailleur plus grand présente un risque d’instabilité plus important, mais ce paramètre est moins déterminant que le poids du travailleur. Finalement, une échelle plus légère, notamment une échelle simple de 8 pieds, présente un risque accru de perte de stabilité, jusqu’au 4e ou 5e échelon suivant l’angle d’installation, et ce, même pour un travailleur très léger (50 kg).
Pour les essais de montée d’échelle, à des angles de 72,5 ° et 75 °, un risque de basculement arrière existe si le travailleur monte face à l’échelle. L’utilisation d’une technique adaptée, en montant les premiers échelons de l’échelle de côté, permet de limiter, voire d’éliminer le risque de basculement arrière. Une bonne formation est donc nécessaire pour utiliser adéquatement une échelle et savoir comment monter de manière sécuritaire.
Les escabeaux de faible hauteur, très légers et d’empattement réduit, présentent des risques d’instabilité majeurs, même pour les travailleurs légers et de petite taille. Leur utilisation devrait être faite en connaissance de cause, et il serait souhaitable de rappeler aux travailleurs qu’une chute, même de hauteur limitée, peut générer des blessures graves et un arrêt de travail.
Abstract
Falls from heights are still one of the main causes of workplace injuries in Quebec, and were the second leading cause in terms of costs over the period 2010–2012, accounting for an average of $397 million annually. According to CNESST data, ladder-related injuries, in both construction and organizational settings, have been increasing over time (from 2007 to 2012), and from 2009 to 2013, 20% of injuries due to falls from heights involved a fall from a ladder.
One of the main criteria affecting ladder stability is the angle of inclination. It determines a ladder’s stability with respect to foot slippage and tipping backward. The optimal angle for preventing foot slippage is around 75°, but the greater the angle, the greater the likelihood of the ladder tipping backward. In Quebec, under the Safety Code for the Construction Industry, the angle should be between 75.5° and 70.5°. This same guideline is also given in the Regulation respecting occupational health and safety.
The purpose of this study was to determine the stability limits when using portable ladders and stepladders. The limits were determined based on the type of surface the foot and the top of the ladder were resting against, the height of the worker on the ladder and, for angles within the limits set by the provincial regulations (70.5° and 75.5°), different worker positions. The tests were conducted in the lab.
Two 24-foot (7.3-m) commercial ladders were used. One was made of aluminum and the other of fibreglass. The two ladders, compliant with standard CSA Z11, were grade 1A (extra heavy duty). Two aluminum stepladders, a 12-foot model (ESC12) and a 6-foot one (ESC6), were also used for testing and, like the ladders, were grade 1A and compliant with standard CSA Z11. Two experimenters of different height and weight took part in the testing, and their weight was adjusted by having them wear a weighted vest and belt. Forces were measured with force plates and recorded using data acquisition software at a frequency of 100 Hz.
First, preliminary tests on the different support surfaces were conducted to identify critical cases. At the foot of the ladder, smooth concrete and tile surfaces were examined, both wet and dry. At the top of the ladder, gypsum, wood, steel and aluminum were tried out, and some tests were performed with the ladder resting on its side rails. The critical surfaces at the foot and at the top of the ladder were, respectively, tile and steel. Subsequent tests were carried out on these two support surfaces.
The order in which the tests were conducted was partially randomized to eliminate experimental bias. In all, just over 300 stability tests were carried out on ladders and stepladders. The experimenters performed a sequence of movements in the same order for each test:
- Initial position: standing, straight, at rest
- Position 1 (P1): leaning back, arms extended
- Position 2 (P2): leaning to the side, hand on a rung of the ladder
- Position 3 (P3): turned around, holding on with one hand, arm extended if possible. In the case of an unextended ladder, for experimenter E1 (the taller and heavier of the two experimenters), there was a risk of instability at rungs 2 and 3 for all angles of installation and all positions; at rung 4 for all angles of installation in the case of positions P1 and P3; and at rungs 5 and 6 in the case of position P3 for angles of installation of 72.5° and 75°, respectively. In other words, the greater the angle of installation, the greater the risk of tipping backwards, and this risk applies until quite high up on the ladder.
Subsequently, an analytical model was developed and validated on the basis of the experimental results as a way of generalizing the study conclusions. The parametric study conducted using analytical models served to validate the observations made during testing and to generalize the conclusions for extended and non-extended ladders. The heavier the worker, the greater the risk of instability on the upper rungs (5th or 6th rung from the ground depending on the worker’s position). A worker’s height is also a factor influencing the risk of loss of stability: the taller the worker, the greater the risk of instability, but this parameter is less of a determining factor than the worker’s weight. Last, a lighter ladder, especially an 8-foot one-piece ladder, has a greater risk of loss of stability, up to the 4th or 5th rung depending on the angle of installation, even for a very light worker (50 kg).
According to the ladder climbing tests, at angles of 72.5° and 75°, there is a risk of tipping backwards if the worker climbs up facing the ladder. Using an adapted technique, which involves climbing up the first few rungs of the ladder sideways on, helps to limit or even eliminate the risk of tipping backwards. Proper training is therefore necessary to ensure workers know how to use and climb a ladder safely.
Small, very light stepladders with a reduced footprint can be quite unstable, even for short, light workers. They should only be used by people who are fully aware of the hazards, and workers should be reminded that a fall, even from a limited height, can result in serious injury and require time off work.
ISBN
9782897971397
Mots-clés
Échelle portative, Portable ladder, Escabeau, Step ladder, Stabilité, Stability, Critère de risque, Hazard criteria, Choix du matériel, Choice of equipment, Utilisation, Use, Méthode de travail et sécurité, Safe working method, Travail en hauteur, Work at height, Réglementation, Regulation, Québec
Numéro de projet IRSST
2016-0034
Numéro de publication IRSST
R-1113
Citation recommandée
Galy, B. (2020). Critères de stabilité des échelles et des escabeaux (Rapport n° R-1113). IRSST.