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Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2024

Langue

Français

Résumé

Ce rapport s'inscrit dans le cadre du projet intitulé : Les caractéristiques des espaces ouverts et des espaces de coworking en lien avec la SST (no 2018-0030), sous la direction de la professeure Diane-Gabrielle Tremblay, université TÉLUQ. L’étude en ergonomie de l’activité propose une analyse du travail en espaces ouverts et de coworking. Ces derniers sont présentés comme des lieux propices aux interactions sociales spontanées. Elles sont facilitées par l’aire ouverte qui, induisant le partage des locaux et du mobilier, instaure une coprésence et une proximité physiques entre les personnes. Mais ces interactions peuvent être vécues comme des distractions coûteuses, notamment pour les personnes ayant besoin de temps ininterrompu pour accomplir leurs tâches. Le bruit incarne la première nuisance des espaces de travail ouverts. Et parmi ses différentes sources, la plus gênante est celle de la parole intelligible. Cette perte d’intimité sonore est susceptible d’altérer la concentration des personnes. Si les caractéristiques de l’environnement de travail ont certes des effets sur le vécu des personnes qui l’occupent, le « contrôle » qu’elles sont en mesure d’exercer peut modérer ces effets. Dans ce contexte, cette étude vise quatre objectifs de recherche : 1) relever les conditions et les caractéristiques des interactions sociales spontanées qui se produisent dans l’espace de travail ouvert ; 2) comprendre comment les personnes qui travaillent en espace ouvert gèrent leurs appels et leurs rencontres en visioconférence ; 3) relever le niveau de concentration perçu par des personnes travaillant en espaces ouverts, et repérer les facteurs susceptibles d’influencer ce niveau de concentration ; 4) relever les « stratégies d’occupation » que les personnes peuvent déployer pour maintenir leur concentration.

La méthodologie est développée dans les aires ouvertes de cinq espaces de coworking1 et six organisations. Les personnes volontaires sont d’abord observées pendant deux heures consécutives. Trois de leurs comportements sont relevés dans une grille d’observation (format papier) et un plan d’observation (format numérique) : 1) quand la personne interagit ; 2) se déplace ; 3) démarre un appel téléphonique et/ou une rencontre en visioconférence. À la fin des deux heures d’observation, chaque personne remplit un questionnaire pour évaluer sa concentration perçue. Au moment souhaité, chaque personne est interrogée individuellement dans un entretien semi-directif : sur son profil, ce qui lui a permis ou empêché de rester concentrée, le choix de ses journées de présence et de son poste de travail dans l’aire ouverte, son port d’écouteurs, et ses comportements relevés pendant les deux heures d’observation.

Les résultats des deux études portent respectivement sur 87 personnes dans les espaces de coworking et 69 personnes dans les organisations. Ils montrent que les interactions sociales spontanées relevées dans les aires ouvertes sont de courte durée. Dans les espaces de coworking, la majorité des interactions portent plutôt sur le contenu du travail avec des collègues en tant qu’interlocuteurs ; le reste des interactions sont plutôt informelles avec d’autres coworkers. Les interactions relevées dans les espaces de coworking se produisent surtout entre des personnes installées à la même table. Dans les organisations, toutes les interactions sont avec des collègues et il y a autant d’interactions portant sur le contenu du travail que d’interactions informelles. Dans les organisations, les interactions les plus nombreuses sont celles qui impliquent un déplacement. Les résultats montrent ensuite que dans les espaces de coworking, la majorité des appels sont prévus et réalisés dans des cabines téléphoniques dédiées. Ceux qui sont réalisés dans l’aire ouverte ne sont généralement pas prévus par les personnes, qui ne les estiment ni confidentiels, ni de longue durée. Dans les organisations, la majorité des appels sont prévus et réalisés dans l’aire ouverte. Les personnes choisissent de rester dans l’aire ouverte pour les appels qu’elles n’estiment pas longs, confidentiels et participatifs. Dans les deux études, les appels peuvent déterminer la fréquentation de l’espace : plusieurs personnes les prévoient au domicile pour se garantir un environnement optimal. Les résultats montrent aussi que les personnes travaillant dans les espaces ouverts évaluent positivement leur concentration. Plusieurs facteurs l’influencent : les conditions et exigences des tâches, les distractions et bruits sonores induits par la présence d’autres personnes dans l’aire ouverte, et le fait de travailler dans un espace de coworking dans le cas de la première étude. La concentration dans l’aire ouverte est également influencée par des stratégies d’occupation déployées par les personnes : le port d’écouteurs, le choix du poste de travail et le choix des journées de présence.

L’étude propose plusieurs pistes de réflexion à destination des personnes responsables de la gestion, de l’animation, de l’architecture et de l’aménagement des espaces ouverts et de coworking. Dans le cas précis des espaces de coworking, pour mieux encadrer la dynamique des interactions sociales spontanées, il s’agit de s’intéresser au profil des personnes et de repérer celles ayant l’intention de s’inscrire à plusieurs. Une solution possible serait d’adapter le recrutement en sélectionnant les profils selon les caractéristiques de l’espace. Une autre solution serait d’organiser le mobilier selon le profil des travailleurs. La coprésence physique induite par l’aire ouverte ne suffit pas à obtenir des interactions permettant de créer des affinités et des collaborations : les gestionnaires des espaces de coworking jouent un rôle essentiel dans le processus. Pour adapter les espaces de coworking à la réalité des appels et des visioconférences, il s’agirait – dans les espaces existants – d’enquêter sur leurs caractéristiques (durées, prévisibilité, récurrences, etc.) pour redéfinir les règles de l’espace. Il faudrait aussi – dans les espaces de coworking à créer – aménager les cabines téléphoniques selon plusieurs critères d’insonorisation, de superficie, et d’équipement. Enfin, il serait souhaitable d’enquêter sur le degré d’intimité sonore nécessaire aux personnes, pour redéfinir les règles des espaces d’aujourd’hui, et pour inspirer l’architecture, l’aménagement et la localisation des espaces de demain. Dans le cas précis des organisations, il s’agit de garantir des marges de manoeuvre suffisantes aux travailleurs. Sur le plan matériel : nous encourageons la possibilité de porter des écouteurs et la généralisation de l’écran fixe à tous les postes de travail. Au niveau spatial : nous encourageons la garantie aux personnes collaborant régulièrement ensemble de pouvoir s’installer à proximité les uns des autres, dans la même zone de bureaux. Cela implique un nombre suffisant de postes de travail et des journées de travail présentiel communes. Sur le plan temporel : nous suggérons d’orienter la réflexion vers une reconception participative du travail hybride dans lequel alternent des périodes d’importance équivalente ; celle du travail présentiel pour le maintien de la cohésion et de l’efficacité du collectif de travail, et celle du travail distanciel pour l’accomplissement de tâches nécessitant un environnement silencieux et isolé.

1 Un sixième espace devait être étudié, mais il s’est transformé en espace avec bureaux fermés.

Abstract

This report is part of a project entitled “Characterization of Open-space Offices and Coworking Spaces in Terms of OHS” (2018-0030), under the direction of Diane-Gabrielle Tremblay, professor at université TÉLUQ. The study, based on activity-centred ergonomics, provides an analysis of work in open-space offices and coworking spaces. The latter are portrayed as being conducive to spontaneous social interaction due to their open layout which, because space and furnishings are shared, establishes physical copresence and closeness among individuals. However, these interactions can be seen as costly distractions, especially for those who need uninterrupted time to accomplish their tasks. Noise is the greatest nuisance in open workspaces, with the most annoying being intelligible speech. The loss of acoustic privacy can impair concentration. While the characteristics of the work environment undoubtably have an effect on the experience of those occupying the space, the amount of control they are able to exercise can mitigate these effects. In this context, the study has four research objectives: (1) to identify the conditions and characteristics of spontaneous social interactions in open workspaces; (2) to understand how people working in open spaces manage their phone calls and videoconference meetings; (3) to identify the concentration levels perceived by those working in open spaces and the factors likely to influence them; (4) to identify the “occupancy strategies” that individuals may adopt to maintain their focus.

The methodology was developed for the open areas of five coworking spaces2 and six organizations. The participating volunteers were first observed for two consecutive hours. Three types of behaviours were recorded in an observation grid (on paper) and an observation plan (digital format): (1) when the individual was interacting with others; (2) moving around; (3) initiating a telephone call and/or participating in a videoconference. At the end of the two hours of observation, each individual completed a questionnaire to assess their perceived level of concentration. At a given time, in semi-structured interviews, each of them were individually asked about their profile, what enabled them to stay focused, or prevented them from staying focused, their choice of which days they worked there and which workstation they preferred in the open area, whether or not they wore headphones, and about their behaviour that had been noted during the two hours of observation.

The results from both studies came from 87 individuals in coworking spaces and 69 in organizations. They show that spontaneous social interactions in open areas are of short duration. In coworking spaces, the majority of interactions tend to be among work colleagues and concern work content. The remainder of interactions with others in the coworking space are usually informal. The interactions observed in coworking spaces are mainly among people seated at the same table. In organizations, all interactions are with colleagues, and there are as many concerning work content as there are informal interactions, with the most numerous (in both cases) involving movement. In addition, the results reveal that in coworking spaces, the majority of calls are scheduled and take place in dedicated phone booths. Those made in the open area are generally unscheduled, and the people making or receiving them do not consider them to be confidential or of long duration. In organizations, most calls are planned and take place in the open area, with workers choosing to make or receive calls there that they do not consider long, confidential or participative. In both studies, the types of call can determine where they occur: many people schedule them at home, to ensure an optimal environment. The results also show that people working in open spaces give their levels of concentration a positive rating. This perception is based on various factors: the conditions and requirements of the task, distractions and noise due to the presence of others in the open area, and the fact of working in a coworking space, in the case of the first study. Concentration in open areas also depends on the strategies employed by individuals: wearing headphones, the choice of workstation and which days they work there.

The study provides food for thought to those responsible for the management, facilitation, architecture and layout of open-space offices and coworking spaces. In the case of coworking spaces, to better manage the dynamics of spontaneous social interaction, people’s profiles must be carefully considered and those who intend to join several spaces should be identified. One possible solution would be to adapt recruitment by selecting profiles according the characteristics of the space. Another solution would be to arrange furnishings in line with workers’ profiles. The physical copresence elicited by being in an open working area is not enough to ensure the types of interaction that will create connections and lead to collaboration. The managers of coworking spaces play a key role in that process. To adapt coworking spaces to the reality of phone calls and videoconferences, their characteristics (duration, predictability, recurrence, etc.) in existing spaces should be investigated in order to redefine the spatial framework. In the design of new coworking spaces, it would also be necessary to respect a number of criteria in the design of phone booths, in terms of soundproofing, size and equipment. Finally, it would be advisable to investigate the degree of acoustic privacy required, in order to redefine guidelines for existing spaces, and, to inspire the architecture, layout and location of future spaces. In the case of organizations, this implies granting workers some leeway. Materially, we encourage the wearing of headphones and the widespread use of fixed screens at all workstations. Spatially, we recommend ensuring that people who regularly work together are able to sit next to each other in the same office area, which would require a sufficient number of workstations and shared face-to-face working days. Timewise, we suggest consideration of a participative redesign of hybrid work, in which periods of equal importance alternate: face-to-face work to maintain the cohesion and efficiency of the work team, and remote work to accomplish tasks requiring a quiet, more solitary environment.

2A sixth space was supposed to be evaluated, but it was converted into a space with closed offices.

ISBN

9782897973001 (PDF)

Mots-clés

Ergonomie, Ergonomics, Bureau collectif, Open office, Local et lieu de travail, Premise and workplace, Organisation du travail, Work organisation, Aménagement des postes, Workplace design, Travail de bureau, Office work, Bruit, Noise, Rendement de travail, Work efficiency, Conditions de travail, Conditions of work, Comportement humain, Human behaviour, Relations humaines, Human relations, Étude du comportement, Behaviour study

Numéro de projet IRSST

2018-0030

Numéro de publication IRSST

R-1200-fr

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