Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2020

Langue

Français

Résumé

Certains antinéoplasiques (ANP), utilisés pour le traitement du cancer, sont eux-mêmes classés cancérogènes et peuvent avoir d’autres effets toxiques chez des travailleurs qui les manipulent. L’incidence du cancer et le nombre de personnes vivant avec le cancer ne cessent d’augmenter, ce qui permet d’envisager une augmentation des quantités d’ANP utilisées et du nombre de travailleurs potentiellement exposés. Une étude menée par l’Unité de recherche en pratique pharmaceutique du Centre hospitalier universitaire Ste-Justine a montré que plusieurs prélèvements effectués sur des surfaces touchées par le personnel infirmier et par celui de la pharmacie montraient des résidus d’ANP. Il n’y a cependant pas de données sur l’exposition du personnel d’hygiène et de salubrité (HS); or, plusieurs organismes en santé et en sécurité du travail soulignent l’existence d’un potentiel non négligeable de contact cutané pour ce personnel. L’objectif principal de cette étude était d’évaluer l’exposition potentielle à des ANP couramment utilisés en mesurant la contamination des surfaces fréquemment touchées lors de tâches d’hygiène et de salubrité en milieu hospitalier. Les objectifs secondaires étaient d’explorer la faisabilité et l’acceptabilité par le personnel d’effectuer des frottis de leurs mains, et de valider l’analyse de sept ANP de plus que les trois pour lesquels une méthode d’analyse était disponible au Centre de toxicologie du Québec (CTQ).

Deux centres hospitaliers (CH) de référence en cancérologie ont accepté de participer à l’étude. L’emplacement des sites de prélèvement a été déterminé après une visite préliminaire d’observation des tâches effectuées par le personnel du service HS dans chaque CH. Parallèlement à ces démarches, l’équipe du laboratoire du CTQ a validé l’ajout de sept ANP[1] à leur méthode d’analyse existante (chromatographie en phase liquide à très haute performance couplée à la spectrométrie de masse), déjà utilisée pour trois d’entre eux[2]. Les prélèvements ont été effectués par frottis de surface, généralement sur une aire normalisée de 600 cm2. Dans chaque hôpital, de deux à 61 prélèvements ont été effectués dans trois départements d’oncologie : la pharmacie, la clinique externe et l’unité d’hospitalisation, sur une vingtaine de sites. Les frottis étaient effectués avant le nettoyage des surfaces, au début du quart de travail du personnel HS, durant deux journées de la même semaine; les prélèvements sur les équipements HS ont cependant été effectués après leur utilisation. Des frottis ont été prélevés sur les mains de neuf membres du personnel HS, 15 membres du personnel infirmier et 14 personnes travaillant à la pharmacie oncologique. Des analyses descriptives sont présentées d’abord sur la proportion de prélèvements positifs (au-dessus du seuil de détection) et ensuite sur les concentrations mesurées pour lesquelles les valeurs inférieures à la limite de détection ont été imputées en utilisant un modèle bayésien et un moteur de simulation d’une chaîne de Markov (Tool 3 du site Expostats). Finalement, des régressions logistiques ont été réalisées afin d’explorer les facteurs associés à la détection des ANP sur les surfaces.

Au moins un ANP a été décelé dans 61 % des 212 prélèvements effectués sur les surfaces. Le cyclophosphamide et la gemcitabine étaient le plus souvent identifiés, suivis par le 5-fluorouracile et l'irinotécan. Les concentrations les plus élevées ont été mesurées dans les cliniques externes pour cinq ANP (5-fluorouracile, irinotécan, cyclophosphamide, gemcitabine et ifosfamide). Les planchers, les sièges de toilette et les lavabos des patients, de même que les couvercles de poubelle à déchets cytotoxiques sont parmi les sites les plus contaminés au regard de la proportion de prélèvements positifs, des concentrations mesurées et du nombre d’ANP détectés sur le même prélèvement. Les concentrations les plus élevées de cinq des sept ANP quantifiés ont été trouvées sur les planchers, et trois des sites comportent les concentrations les plus élevées de la charge totale (la somme) des ANP (planchers, sièges de toilette, couvercles de poubelle). Les concentrations les plus élevées des deux autres ANP quantifiés ont été mesurées sur le panneau de commande d’une pompe à perfusion et sur une poignée de porte.

Les frottis sur les mains ont montré la présence d'ANP chez huit des 39 participants (21 %), dont six chez du personnel infirmier et un participant de chaque autre catégorie de personnel (HS et de pharmacie). Alors que tout le personnel infirmier et de pharmacie a rapporté avoir suivi une formation sur la manipulation des médicaments dangereux, ce n’était le cas d’aucun des neuf membres du personnel HS. Une forte proportion du personnel a mentionné toujours porter des gants alors que quelques personnes ne les portaient que pour certaines tâches. Le lavage des mains au savon et à l’eau était effectué par tout le personnel de la pharmacie, mais entre 20 et 25 % des autres personnels n’utilisent que de l’alcool, un liquide moins efficace pour diminuer la contamination chimique.

Cette étude a estimé pour la première fois au Canada la contamination par les ANP des surfaces de travail manipulées par les travailleurs d’hygiène et de salubrité en milieu hospitalier. Elle met en évidence un potentiel important d’exposition. Bien que ne prouvant pas l’exposition ou l’absorption des ANP par ces travailleurs, les résultats remettent en question les pratiques de gestion de la manipulation des médicaments dangereux et ouvrent un éventail d’actions préventives à développer et de moyens à mettre en place. Il faut notamment mentionner la formation du personnel HS sur la manipulation des médicaments dangereux et une analyse des techniques et équipements de travail d’hygiène et de salubrité visant à optimiser la prévention de la contamination par des médicaments dangereux. Cette étude a permis de valider l’analyse de sept ANP supplémentaires tout en testant l’acceptabilité, pour le personnel, de déceler la contamination cutanée par des frottis des mains. Les résultats obtenus pourront orienter les activités de prévention de l’exposition aux médicaments dangereux dans le secteur de la santé.

[1] Mesure quantitative : gemcitabine, 5-fluorouracile, cytarabine, irinotécan; mesure qualitative (présence/absence) : paclitaxel, docétaxel et vinorelbine.

[2] Cyclophosphamide, ifosfamide et méthotrexate.

Abstract

Some antineoplastics (ANPs), used in cancer treatment, are themselves classified as carcinogens and can also have other toxic effects on workers who handle them. The incidence of cancer and the number of people living with cancer continue to increase, which means that ANP use and the number of workers potentially exposed to these drugs may well rise, too. A study conducted by the pharmaceutical practice research unit of the Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine has shown that samples taken from surfaces touched by nursing and pharmacy staff contained ANP residues. There are no data, however, on the exposure of hygiene and sanitation (HS) staff to these drugs. Several occupational health and safety agencies have noted that for these employees there is a significant potential risk of exposure through skin contact. The primary objective of this study was to assess potential exposure to commonly used ANPs by measuring the contamination of surfaces frequently touched by hygiene and sanitation workers performing tasks in a hospital setting. The secondary objectives were to explore the feasibility and acceptability to staff of taking hand-wipe samples, and to validate the analysis of seven ANPs in addition to the three for which an analysis method was already available at the Centre de toxicologie du Québec (CTQ).

Two leading cancer hospitals agreed to take part in the study. The sampling sites were chosen following preliminary visits to observe the tasks performed by HS department staff in each hospital. While the preliminary hospital visits were going on, the CTQ laboratory team validated the addition of seven ANPs[1] to the existing analytical method (ultra-high performance liquid chromatography coupled with mass spectrometry ) already being used for three ANP drugs[2]. The samples were taken by surface swabs, generally on a standardized 600 cm2 area. At each hospital, from two to 61 samples were taken in three oncology departments: the pharmacy, the outpatient clinic and the inpatient unit, at some twenty sites. The swabs were taken before the surfaces were cleaned, at the start of the HS staff’s shift, on two days in the same week; sampling of HS equipment was done after use, however. Swabs were taken from the hands of nine HS staff members, 15 nursing staff members and 14 oncology pharmacy staff members. Descriptive analyses are presented first for the proportion of positive samples (above the detection threshold) and then for measured concentrations for which values below the detection limit were assigned using a Bayesian model and a Markov chain engine (Tool 3 on the Expostats site). Lastly, logistic regressions were run to explore the factors associated with detection of the ANPs on surfaces.

At least one ANP was detected in 61% of the 212 samples taken from surfaces. The two most frequently identified were cyclophosphamide and gemcitabine, followed by 5-fluorouracil and irinotecan. The highest concentrations were found in the outpatient clinics for five ANPs (5 fluorouracil, irinotecan, cyclophosphamide, gemcitabine and ifosfamide). Floors, patient toilet seats and sinks, as well as the covers of cytotoxic waste bins were some of the most contaminated sites in terms of the proportion of positive samples, measured concentrations and number of ANPs detected in the same sample. The highest concentrations of five of the seven quantified ANPs were found on floors, and three of the sites had the highest concentrations of total load (total amount) of ANPs (floors, toilet seats, waste bin covers). The highest concentrations of the other two quantified ANPs were measured on the control panel of an infusion pump and on a door handle.

The hand-wipe samples revealed ANPs on eight of 39 participants (21%), including six nursing staff members and one participant from each of the other two staff categories (HS and pharmacy). Whereas all the nursing and pharmacy staff reported they had taken training on handling hazardous drugs, none of the nine HS staff members had received such training. A high proportion of staff members said they always wore gloves, but a few noted they wore them only for certain tasks. All the pharmacy staff said they washed their hands with soap and water, but from 20% to 25% of the other staff members said they only used alcohol, which is less effective in reducing chemical contamination.

This study has, for the first time in Canada, estimated ANP contamination of work surfaces touched by hygiene and sanitation workers in a hospital setting. It highlights potentially significant exposure. While it does not prove worker exposure to or absorption of ANPs, the results raise questions about current hazardous drug handling practices and point toward a range of preventive initiatives to be developed and measures to be implemented. Two initiatives worth mentioning are training for HS staff on the handling of hazardous drugs and an analysis of hygiene and sanitation techniques and work equipment focused on optimizing prevention of contamination from these drugs. The study also validated the analysis of seven additional ANPs, while testing the acceptability, to staff, of detecting skin contamination through hand-wipe samples. The study results will be useful in guiding efforts to prevent exposure to hazardous drugs in the health care sector.

[1]. Quantitative measurement: gemcitabine, 5-fluorouracil, cytarabine, irinotecan; qualitative measurement (presence/absence): paclitaxel, docetaxel and vinorelbine.

[2]. Cyclophosphamide, ifosfamide and methotrexate.

ISBN

9782897971137

Mots-clés

Antinéoplasique, Antineoplastic, Évaluation de l'exposition, Exposure evaluation, Personnel de soutien, Employee, Service de santé, Health service, Échantillonnage par frottis de surface, Wipe sampling, Nettoyage des lieux de travail, Cleaning of workplaces

Numéro de projet IRSST

2014-0001

Numéro de publication IRSST

R-1090

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