Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2020

Langue

Français

Résumé

Les emplois nécessitant l’usage d’un vélo se sont diversifiés au-delà de la simple messagerie de plis et colis pour devenir de plus en plus nombreux. Parmi ces types d’emploi, celui qui a connu le plus grand essor à Montréal, comme ailleurs, est la livraison par vélo de repas à domicile. D’autres services mobiles, les déménagements, la vente ambulante et les entreprises de logistique du dernier kilomètre utilisent également de plus en plus souvent le vélo comme moyen de transport. Pourtant, les risques encourus par les cyclistes commerciaux sont peu connus.

Les objectifs du projet étaient d’étudier la croissance de la pratique des métiers à vélo et les formes d’organisation du travail mises en place; d’approfondir notre compréhension des risques routiers associés au travail à vélo ainsi que d’identifier les différents facteurs de risque pouvant mener à des accidents. Les cas d’accidents de travailleurs à vélo, leurs circonstances et les situations d’insécurité (quasi-accidents) vécues sont aussi explorés. Ces informations devraient permettre de mettre en place des mesures de prévention des accidents routiers liés à ces métiers, d’identifier de bonnes pratiques ainsi que d’envisager comment encadrer et améliorer les conditions de travail.

Trois approches méthodologiques ont permis de répondre aux objectifs de l’étude. En premier lieu, une série d’entretiens semi-dirigés menée auprès des cyclistes commerciaux aide à comprendre les conditions de travail, les besoins perçus, les expériences d’insécurité et d’accidents et les facteurs pouvant les augmenter ou les réduire chez ce groupe de travailleurs. Des entretiens semi-dirigés avec des employeurs (ou donneurs d’ordres) et des entrepreneurs ont aussi permis de bien comprendre les facteurs organisationnels du travail (bien que les cyclistes soient souvent considérés comme des travailleurs autonomes). Deuxièmement, une enquête a été déployée auprès des cyclistes commerciaux et visait à comprendre les caractéristiques de ces travailleurs, les risques liés à leurs activités, l’occurrence des accidents, leur sévérité et leurs conséquences. Les mesures de protection et de prévention sont aussi abordées. Troisièmement, un protocole exploratoire de mesure par des montres équipées d’un système de positionnement global (GPS) a ensuite été déployé auprès d’un sous-groupe de cyclistes commerciaux pour déterminer des facteurs d’exposition tels le temps de travail, le kilométrage, la part de temps sur la route et la vitesse.

Trente-six entretiens auprès de : cyclistes commerciaux (22), d’employeurs (6) et d’entrepreneurs (8) de la région de Montréal, ont permis d’élaborer un cadre pour identifier les facteurs de risque de quasi-collisions, de collisions et de blessures encourus par différents types de cyclistes commerciaux. Le cadre présente les 21 caractéristiques et les traits individuels (expérience, comportement à risque), les types de tâches, les conditions de travail, les niveaux d’exposition et les facteurs externes qui influent sur la santé et la sécurité de ces travailleurs. Les entrevues ont permis de constater qu’ils ont tous leurs propres antécédents de développement d’aptitudes et jouissent de diverses conditions de travail; ils utilisent des types de vélos et des équipements différents et sont ainsi exposés à des niveaux de risque distincts et variables. Ces risques varient en fonction de divers aspects du travail. L’expérience des cyclistes et la promotion de pratiques sécuritaires par les employeurs sont des facteurs clés de protection, mais la structure de rémunération est peut-être l’élément le plus susceptible d’influencer la sécurité des travailleurs. De même, les parcours dans les quartiers d’affaires bondés en période de pointe présentent aussi des risques élevés de blessures. La question de la santé personnelle, dont les problèmes liés à une alimentation adéquate, et ceux associés à l’usure chronique ont aussi émergé comme une préoccupation fréquente de ces travailleurs à haute consommation énergétique.

Selon les résultats de l’enquête sur 228 participants, ce travail est la seule source de revenu de 44 % des travailleurs (58 % des messagers). L’échantillon est composé largement de travailleurs autonomes. Très peu de messagers et « autres » travailleurs (une catégorie regroupant plusieurs services professionnels ainsi que de petits entrepreneurs) sont syndiqués (9,4 et 6,2 %). Aucune forme de syndicalisation n’existe dans la livraison de nourriture. Les salaires sont généralement versés sous forme de commission (53,8 %). C’est respectivement 59 % et 56,5 % des livreurs et des messagers qui ne possèdent aucune forme d’assurance accident.

Bien que les ecchymoses soient les blessures les plus fréquemment mentionnées, 26 des 208 répondants ayant répondu à cette question déclarent avoir eu un membre fracturé et 18 ont eu besoin de points de suture depuis qu’ils ont commencé ce travail. Le recours à une ambulance a été nécessaire 25 fois, et 40 de ces participants déclarent avoir subi un arrêt de travail. Dans le mois précédant l’enquête, c’est près de 42 % des répondants qui rapportent une blessure (généralement des entorses, brûlures, ecchymoses et inflammations). Les accidents sont majoritairement causés par l’état de la chaussée et par le comportement des autres (p. ex. : se faire couper par des véhicules). Les participants déclarent que leur inattention et les emportiérages sont aussi des causes fréquentes d’incident ou d’accident.

C’est presque 20 % des travailleurs qui n’utilisent jamais ou presque jamais un casque, contre moins de 70 % qui déclarent toujours le porter. Si porter un casque ne contraint que très peu l’utilisateur, faire un détour pour voyager de façon plus sécuritaire peut sembler plus contraignant et ralentir l’enchaînement des activités (et donc souvent le salaire). Seuls 28,5 % des travailleurs acceptent cette déviation; ce taux est considérablement plus faible chez les messagers.

La durée des quarts de travail des participants au protocole GPS variait entre 2 et 9 heures. Ils parcouraient en moyenne 30 kilomètres par jour (minimum 13,3; maximum 74,4) et effectuaient entre 8 et 41 arrêts (moyenne de 20 arrêts) dont la moitié des arrêts avaient lieu lors de livraisons. Les vitesses moyennes pratiquées lors des trajets étaient de 16,6 km/h, la distance des trajets était en moyenne de 1,8 km (temps moyen 7 minutes) et les arrêts duraient en moyenne 10 minutes. Généralement, les cyclistes de cet échantillon consacraient 36 % de leur quart de travail à circuler sur les routes et à être exposés à des risques pour leur sécurité.

Étant donné que l’utilisation du vélo comme outil de travail augmentera probablement avec le temps, il est important de comprendre comment l’organisation du travail, la réglementation de l’industrie et la sensibilisation des travailleurs et des employeurs peuvent réduire les risques encourus par les cyclistes commerciaux. La dissémination de bonnes pratiques permettant de réduire le fardeau d’accidents liés à ce type d’emploi; une réglementation de l’industrie et l’adoption de normes de sécurité; et des infrastructures routières tenant en compte ce type de cyclistes (pas seulement les pistes cyclables visant les navetteurs à vélo) semblent nécessaires pour favoriser l’essor de saines pratiques de cyclisme commercial.

Abstract

Jobs that require the use of a bicycle have proliferated beyond merely delivery of envelopes and packages, becoming increasingly numerous. Among these jobs, the one that has increased the most in Montreal, and elsewhere, is home delivery of meals by bicycle. Other mobile services, moving, street vending and last kilometre logistics companies are also using bicycles as a means of transportation more frequently. However, the risks that commercial cyclists incur are not well known.

The objectives of the project were to study the growth in cycling jobs and the forms of work organization implemented; improve our understanding of road risks associated with bicycle work; and identify the various risk factors that can lead to accidents. Cases of accidents to cycling workers, their circumstances and unsafe situations experienced (near misses) are also explored. This information should make it possible to implement measures to prevent road accidents related to these jobs, identify best practices and consider how to support and enhance working conditions.

Three methodological approaches were used to meet the study’s objectives. First, a series of semi-structured interviews conducted with commercial cyclists helped to understand working conditions, perceived needs, unsafe experiences and accidents, and factors that could increase or reduce such incidents for this group of workers. Semi-structured interviews with employers (or clients) and entrepreneurs also shed light on the organizational factors affecting this work (although cyclists are often considered to be self-employed). Second, a survey was administered to commercial cyclists with the intent of understanding these workers’ characteristics, the risks related to their activities, the occurrence of accidents, their severity and their consequences. Protective and preventive measures were also addressed. Third, an exploratory measurement protocol that used watches equipped with a global positioning system (GPS) was then deployed with a subgroup of commercial cyclists to determine the exposure factors, such as working time, kilometrage, time spent on the road and speed.

Twenty-six interviews with commercial cyclists (22), employers (6) and entrepreneurs (8) in the Montreal area enabled us to develop a framework to identify risk factors for near collisions, collisions and injuries incurred by different kinds of commercial cyclists. The framework presents 21 individual characteristics and traits (experience, risky behaviour), types of tasks, working conditions, exposure levels and external factors that affect these workers’ health and safety. The interviews revealed that they all had different skills development backgrounds and benefited from different working conditions; they used different kinds of bikes and equipment and thus were exposed to different, and variable, risk levels. These risks varied based on various aspects of the job. Cyclists’ experience and employers’ promotion of safe practices are key protective factors, but the compensation structure may be the factor that is most likely to impact worker safety. Similarly, routes in crowded business districts at rush hour also present high risks of injury. The issue of personal health, including problems related to appropriate nutrition and those associated with chronic wear, also emerged as a frequent concern of these workers, whose energy consumption level is high.

According to the results of the survey of 228 participants, this work is the only source of income for 44% of workers (58% of couriers). The sample was composed mainly of self-employed people. Very few couriers or “other” workers (a category that amalgamates several professional services and small entrepreneurs) are unionized (9.4% and 6.2%). No form of unionization exists in food delivery. Wages are generally paid in the form of commission (53.8%). And 59% of delivery workers and 56.5% of couriers do not have any kind of accident insurance.

Although bruises were the most frequently mentioned injuries, 26 of the 208 respondents who answered this question said they had had a fractured limb and 18 had needed stitches since they started this work. An ambulance was needed 25 times, and 40 participants said they had had to take time off work. Almost 42% of the respondents reported an injury in the month preceding the survey (generally sprains, burns, bruises and inflammation). Most accidents were caused by the state of the roadway and other users’ behaviour (e.g., being cut off by vehicles). Participants stated that their own inattention and dooring were also frequent causes of incidents or accidents.

Almost 20% of workers never or almost never used a helmet, while fewer than 70% said they always wore one. Although wearing a helmet is not much of a constraint on the user, making a detour to travel more safely does seem to be more constraining and slows down the sequence of activities (and thus often their earnings). Only 28.5% of workers accepted such a detour; this rate is considerably lower among couriers.

The duration of work shifts of participants in the GPS protocol ranged from 2 to 9 hours. They travelled a mean 30 km per day (minimum 13.3; maximum 74.4) and made from 8 to 41 stops (mean 20 stops), half of which involved deliveries. Mean speed while travelling was 16.6 km/h, the distance of one travel leg was a mean 1.8 km (mean time 7 minutes) and stops lasted 10 minutes on average. In general, cyclists in this sample spend 36% of their shift riding on roads and being exposed to safety risks.

Since use of bicycles as work tools will probably increase over time, it is important to understand how the organization of work, regulation of the industry and worker and employer awareness could reduce the risks incurred by commercial cyclists. The dissemination of good practices that could reduce the burden of accidents related to this kind of work; industry regulation and the adoption of safety standards; and road infrastructures that take this kind of cyclist into account (not just bike paths intended for commuters) seem to be necessary to promote sound commercial cycling practices.

ISBN

9782897971182

Mots-clés

Bicyclette, Bicycle, Transport routier, Road transport, Sécurité routière, Road safety, Évaluation du risque, Hazard evaluation, Transport de marchandises, Transport of materials, Enquête par entrevue, Interview survey, Accident de la route, Road accident, Accident du travail, Occupational accident, Organisation du travail, Work organisation, Statistiques, Statistics

Numéro de projet IRSST

2015-0069

Numéro de publication IRSST

R-1098

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