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Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2019

Langue

Français

Résumé

Chaque année, des travailleurs québécois subissent des effets sur leur santé après avoir été exposés à des substances chimiques, notamment à des solvants. La modélisation des expositions professionnelles occupe une place importante dans la prévention des risques. Cette recherche vise à étudier différents aspects de la modélisation pour estimer des expositions professionnelles à des vapeurs de solvants dans le but d’en améliorer la justesse de prédiction. Le travail de recherche a été effectué en deux volets. Grâce à la mise en œuvre de tests à petite échelle (volet I) et à échelle humaine (volet II), les travaux présentés dans cette recherche ont porté sur la détermination des taux d’émission pour les solvants purs et les mélanges ainsi que sur l’étude du comportement des vapeurs de solvants émises dans l’air et soumises à différentes conditions expérimentales de ventilation.

Dans le volet I, des taux d’émission (α) à décroissance exponentielle ont été déterminés expérimentalement en environnement contrôlé (température, humidité, vitesse de l’air) pour cinq solvants purs dans différentes conditions. Des analyses de régression linéaire multiple ont été effectuées afin d’évaluer l’influence des différents paramètres testés sur les valeurs de α. Des taux d’émission ont aussi été calculés pour des solvants purs et des mélanges, et des estimations de concentration de vapeurs dans une boîte de 0,085 m³ ont été réalisées en utilisant le modèle de pièce avec air uniformément mélangé et émission à décroissance exponentielle. Au total, 18 scénarios ont été réalisés avec différents solvants : 4 solvants purs, 12 mélanges aqueux (10 %, 5 % et 1 % de solvant dans l’eau) et 2 mélanges de solvants organiques. Les estimations de concentration supposaient aussi bien l’idéalité (utilisation des taux d’émission non corrigés) que la non-idéalité (utilisation des taux d’émission corrigés par les coefficients d’activité). Ces données estimées ont été comparées à des concentrations mesurées à l’aide d’un système de chromatographie en phase gazeuse couplé à un détecteur de conductivité thermique (TCD). Les concentrations ont été comparées graphiquement aux valeurs prédites par le modèle et des ratios entre les concentrations maximales mesurées et estimées ont été calculés.

Dans le volet II, dix-neuf situations expérimentales différentes, mises en scène dans une pièce à échelle humaine dont le volume était de 53,4 m3, ont été testées à trois reprises. La pièce était ventilée selon deux stratégies de ventilation (plancher/plafond) et pour différents débits (bas débit (B) à 0,8 changement d’air par heure (CAH) (12 l/s), haut débit (H) à 2,3 CAH (32 l/s) et très haut débit (TH) à 4,5 CAH (64 l/s)). Quatre scénarios ont été testés : 1) évaporation sur une table, 2) déversement sur le sol, 3) application de solvant au chiffon suivie de nettoyage manuel, 4) pulvérisation de solvant suivie d’un nettoyage manuel. Les tests d’évaporation et de déversement ont été réalisés à partir d’un verre de montre contenant 20 mL d’acétone disposé sur une balance analytique. Les tests de nettoyage ont été effectués par un opérateur qui simulait le nettoyage au chiffon d’une pièce d’aluminium. Les concentrations de vapeurs de solvants ont été mesurées à l’aide d’instruments à lecture directe placés dans la zone rapprochée (30 cm de la source, NF) et la zone éloignée (reste de la pièce, FF). Pour la zone rapprochée, deux instruments à photo-ionisation (PID) ont été utilisés pour mesurer les concentrations. Pour la zone éloignée, deux chromatographes de type micro GC Varian couplés à des TCD ont été utilisés. Pour chaque essai, une modélisation des concentrations dans les zones proche et éloignée a été effectuée à l’aide du modèle deux zones et ces concentrations ont été comparées aux valeurs mesurées. Les valeurs de rayon de la zone rapprochée ont été optimisées pour faire correspondre les concentrations mesurées et estimées. Des analyses statistiques ont été réalisées pour déterminer l’existence de différences significatives entre les concentrations proches et éloignées. Des analyses de variance et de régression linéaire multiple ont aussi été effectuées afin d’évaluer l’influence de différentes variables des modèles. Une modélisation par dynamique des fluides (computational fluid dynamics, CFD) des mouvements d’air et de dispersion de contaminants gazeux a été accomplie pour certains scénarios. L’évaporation du solvant était considérée dans le code numérique par l’intermédiaire d’une condition frontière à la surface du verre de montre dans laquelle une masse prédéterminée de solvant était injectée dans l’air ambiant. Des comparaisons entre les valeurs estimées et mesurées ont donc été exécutées.

Pour le volet I, les variations observées des valeurs de coefficients α s’expliquent en grande partie par les variables tension de vapeur, ratio surface/volume et vitesse de l’air au-dessus du déversement. Les estimations de concentration dans la boîte considérant la non-idéalité dans le cas des mélanges, donc les estimations corrigées, étaient plus élevées que celles non corrigées et plus proches des valeurs mesurées. De plus, les temps nécessaires pour atteindre les pics de concentration des estimations corrigées permettaient d’estimer adéquatement les cinétiques d’émission.

Pour le volet II, l’analyse de variance a démontré que l’ensemble des variables avait un effet sur les concentrations de la zone rapprochée alors que seuls le débit et la position de l’entrée d’air avaient un effet sur la zone éloignée. L’augmentation des débits de ventilation avait pour effet d’abaisser significativement les concentrations dans les deux zones. Les rayons obtenus par l’optimisation des concentrations mesurées et estimées pour les scénarios d’évaporation et de déversement étaient très homogènes avec un rayon moyen de 0,72 m (écart type géométrique, ETG, de 1,3) et le coefficient β (débit d’air interzones) estimé moyen correspondant était de 3,9 m³/min (0,92-16,9). L’utilisation de ce rayon pour une géométrie de zone rapprochée permet donc une estimation adéquate de la concentration de vapeurs de solvants à une distance de 30 cm de la source. En revanche, pour les scénarios d’application au chiffon et de pulvérisation, les rayons optimisés étaient plus grands et variaient plus largement avec des rayons moyens respectifs de 1,1 m (ETG de 1,6) et 1,2 m (ETG de 1,9). La modélisation CFD a permis d’étudier le gradient de concentrations autour de la source pour des scénarios d’évaporation et de déversement. Le gradient de concentrations diminuait rapidement avec des concentrations passant de 1757 mg/m³ à 83 mg/m³ pour une zone rapprochée en forme de cube de 14 cm et de 64 cm de côté, respectivement. La modélisation CFD a aussi mis en évidence les déplacements du contaminant dus à la densité de vapeur relative à l’air sans qu’il soit nécessaire de faire appel à l’advection. Ce mécanisme de transport est d’autant plus significatif lorsque le débit de soufflage dans la pièce est faible.

Cette étude a ainsi montré l’importance de différentes variables utilisées pour estimer des taux d’émission lors de petits déversements, l’importance de considérer la non-idéalité en cas d’utilisation de mélange non idéal et l’importance de différents déterminants des concentrations dans les zones rapprochée et éloignée. Ces données améliorent la compréhension générale de la dispersion des vapeurs de solvants et de l’utilisation des modèles auxquels on recourt en hygiène du travail pour estimer des expositions professionnelles à ce type d’émanation.

Abstract

Every year, Quebec workers suffer the health effects of exposure to chemicals, and particularly solvents. The modelling of occupational exposure plays a major role in risk prevention. The goal of this research project was to study various aspects of modelling for the purpose of estimating occupational exposure to solvent vapours and improving prediction accuracy. The study was carried out in two stages. It involved both small-scale (Stage I) and human-scale (Stage II) testing that focused on determining emission rates for pure solvents and mixtures, as well as on investigating the behaviour of solvent vapours released into the air and subject to different experimental ventilation conditions.

In Stage I, exponentially decreasing emission rates (α) were determined experimentally in a controlled environment (temperature, humidity, air speed) for five pure solvents under different conditions. Multiple linear regression analyses were conducted to assess the influence of the various tested parameters on α values. Emission rates were also calculated for pure solvents and mixtures, while vapour concentrations in a 0.085 m³ box were estimated using the uniformly mixed room model with exponentially decreasing emissions. All in all, 18 scenarios were carried out with different solvents: 4 pure solvents, 12 aqueous mixtures (10%, 5% and 1% solvent in water) and 2 organic solvent mixtures. The concentration estimates assumed both ideality (use of non-corrected emission rates) and non-ideality (use of emission rates corrected by activity coefficients). These estimated figures were compared with concentrations measured using a gas phase chromatography system coupled with a thermal conductivity detector (TCD). The concentrations were compared graphically with the values predicted by the model, and ratios of the maximum measured to estimated concentrations were calculated.

In Stage II, 19 different experimental situations, created in a human-scale room with a volume of 53.4 m3, were tested three times. The room was ventilated by means of two ventilation strategies (floor/ceiling) and at different airflow rates (low rate [L] at 0.8 air changes per hour [ACH] [12 l/s], high rate [H] at 2.3 ACH [32 l/s] and very high rate (VH) at 4.5 ACH [64 l/s]). Four scenarios were tested: 1) evaporation on a table, 2) spill on the floor, 3) application of solvent to a rag followed by manual cleaning and 4) spraying of solvent followed by manual cleaning. The evaporation and spill tests were conducted using a watch glass containing 20 mL of acetone placed on an analytical balance. The cleaning tests were conducted by an operator who simulated cleaning a piece of aluminum with a rag. The solvent vapour concentrations were measured using direct-reading instruments placed in the near field (NF, 30 cm from source) and far field (FF, rest of the room). For the near field, two photoionization detectors (PIDs) were used to measure the concentrations. For the far field, two Varian Micro GC chromatographs coupled to TCDs were used. For each test, concentrations in the near and far fields were modelled using the two-zone model, and these concentrations were compared with the measured values. The near field radius values were optimized so that the measured and estimated concentrations corresponded. Statistical analyses were conducted to determine whether significant differences existed between the near and far concentrations. Variance and multiple linear regression analyses were also performed to assess the influence of different variables in the models. Computational fluid dynamics (CFD) modelling of air movements and gas contaminant dispersion was carried out for some scenarios. Solvent evaporation was modelled in the code as a boundary condition at the surface of the watch glass whereby a predetermined mass of solvent was injected into the ambient air. Comparisons between estimated and measured values were therefore performed.

For Stage I, the variations observed in coefficient α values were primarily due to the variables vapour pressure, surface/volume ratio and air speed above the spill. Estimates of concentrations in the box that considered non-ideality in the case of mixtures, i.e., corrected estimates, were higher than the non-corrected estimates and closer to the measured values. In addition, the times required to reach the concentration peaks of the corrected estimates provided a means of adequately estimating emission kinetics.

For Stage II, the analysis of variance showed that all of the variables had an effect on the near field concentrations, whereas only airflow rate and air intake position had an effect on the far field. The increase in ventilation rates caused a significant drop in concentrations in both fields. The radiuses obtained through optimization of the measured and estimated concentrations for the evaporation and spill scenarios were very homogeneous, with a mean radius of 0.72 m (geometric standard deviation, GSD, of 1.3) and the corresponding mean estimated coefficient β (interfield airflow rate) was 3.9 m³/min (0.92–16.9). Using this radius for near field geometry allows adequate estimation of the concentration of solvent vapours at a distance of 30 cm from the source. In contrast, for the rag application and spray scenarios, the optimized radiuses were larger and varied more broadly, with respective mean radiuses of 1.1 m (GSD of 1.6) and 1.2 m (GSD of 1.9). The CFD modelling provided a means of studying the concentration gradient around the source for the evaporation and spill scenarios. The concentration gradient diminished rapidly, with concentrations dropping from 1,757 mg/m³ to 83 mg/m³ for a cube-shaped near field of 14 cm a side and 64 cm a side, respectively. The CFD modelling also highlighted contaminant displacements due to vapour density relative to the air, without the need to involve advection. This transport mechanism is especially significant when the air delivery rate in the room is low.

This study has demonstrated the importance of the different variables used to estimate emission rates in the event of small spills, the importance of considering non-ideality in cases of the use of non-ideal mixtures and the importance of various concentration determinants in near and far fields. These data improve our general understanding of solvent vapour dispersion and the models used in occupational health and safety to estimate worker exposure to such emissions.

ISBN

9782897970925

Mots-clés

Solvant, Solvent, Évaluation de l'exposition, Exposure evaluation, Méthodologie, Methodology, Organisation de l'hygiène dans l'entreprise, Plant health organisation, Risque d'atteinte à la santé, Health hazard, Détermination expérimentale, Experimental determination, Évaluation statistique, Statistical evaluation, Québec

Numéro de projet IRSST

2012-0044

Numéro de publication IRSST

R-1077

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