Type de document

Expertisesrevues

Année de publication

2014

Langue

Français

Résumé

L’utilisation de prélèvements ponctuels pour la mesure de la concentration urinaire de biomarqueurs est une pratique courante dans le cadre des activités de surveillance biologique de l’exposition professionnelle. Afin de tenir compte du degré de dilution des urines, les concentrations urinaires mesurées dans ce type de prélèvements sont généralement corrigées en fonction de la créatinine ou de la densité spécifique urinaire. Cependant, certains auteurs remettent en question l’un ou l’autre de ces modes de correction en raison de leur trop grande variabilité ou parce qu’ils ne reflètent pas fidèlement les mécanismes d’excrétion des indicateurs biologiques.

L’objectif de cette recherche visait à déterminer le meilleur mode d’ajustement pour tenir compte du degré de dilution des urines lors d’un prélèvement ponctuel.

Une revue de la littérature portant sur ce sujet a été effectuée pour la période allant de janvier 1990 à juin 2013. La base de données du système informatisé de gestion des analyses de laboratoire de l’IRSST (LIMS) a été interrogée pour les années 1985 à 2010 afin de documenter les relations existant entre les différentes concentrations urinaires, corrigées ou non, des indicateurs biologiques des 22 substances considérées dans la présente étude. Des statistiques descriptives et une modélisation, utilisant des modèles linéaires à effets mixtes, ont également été effectuées sur les données de créatinine et de densité spécifique.

Les résultats de la revue de la littérature réalisée dans le cadre de cette étude indiquent que la correction par la créatinine peut parfois entraîner un biais important dans l’estimation de l’exposition chez les individus ou les populations de différents âge, sexe, ethnicité et masse musculaire alors que la correction par la densité spécifique serait moins influencée par ces différents facteurs. De plus, la mesure de la densité spécifique requiert une méthode plus simple et moins chère que la mesure de la créatinine. En se basant sur ces données, il ressort que la correction par la densité spécifique représente une alternative intéressante à la correction par la créatinine. Bien que la correction par la densité spécifique semble la plus appropriée, le choix du mode de correction devra tenir compte des unités dans lesquelles les indices biologiques d’exposition (IBE) sont exprimés. Il est cependant possible de calculer de façon rigoureuse les valeurs d’IBE exprimés selon ces deux modes de correction en utilisant les équations des droites de régression calculées dans la présente étude à partir des données du LIMS. Ces équations décrivent la relation existant entre les concentrations corrigées par la créatinine et celles corrigées en fonction de la densité spécifique pour les différents indicateurs à l’étude.

La variation du débit urinaire affecte l’excrétion de la plupart des indicateurs biologiques, incluant la créatinine et la mesure de la densité spécifique. Pour cette raison, dans le cadre des activités de surveillance biologique, il apparaît justifié de rejeter les prélèvements urinaires trop dilués (densité spécifique < 1,010; créatinine < 4,4 mmol/l) ou trop concentrés (densité spécifique > 1,030; créatinine > 26,5 mmol/l). Des auteurs ont proposé une méthode de correction permettant de tenir compte de l’effet du débit urinaire sur l’excrétion rénale des indicateurs biologiques. Cependant, même si ce mode de correction semble justifié et prometteur, l’absence de valeur de référence limite grandement son utilisation.

Des statistiques descriptives ont été réalisées sur les données de créatinine et de densité spécifique contenues dans la base de données du LIMS. Les valeurs moyennes de créatinine calculées chez les hommes (n=17 873) et les femmes (n=2 323) sont respectivement de 15,0 ± 6,4 et 10,9 ± 6,1 mmol/l. Selon les résultats de la modélisation, les concentrations de créatinine chez les femmes sont en moyenne de 25 % à 30 % plus faibles que celles mesurées chez les hommes. Les valeurs de créatinine retrouvées dans la présente étude se comparent aux données publiées dans d’autres études effectuées chez des travailleurs.

Les valeurs moyennes de densité spécifique calculées chez les hommes (n=17 811) et les femmes (n=2 385) dans la présente étude sont respectivement de 1,023 ± 0,006 et 1,019 ± 0,007. Selon les résultats de la modélisation, les valeurs de densité spécifique sont en moyenne 10 % (fin de quart) et 15 % (début de quart) plus faibles chez les femmes comparativement aux hommes. Pour les hommes, les résultats sont plus élevés de 5 % à la fin du quart de travail comparativement à un prélèvement effectué en début de quart. D’autres auteurs rapportent également des valeurs moyennes de densité spécifique significativement plus faibles chez les femmes comparativement à celles analysées chez les hommes. Ainsi, à l’instar de la créatinine, les valeurs de densité spécifique semblent plus faibles chez les femmes que chez les hommes ce qui pourrait s’expliquer par une plus faible masse musculaire chez la femme.

La revue des résultats de la littérature a permis de mettre en évidence que les concentrations urinaires des indicateurs biologiques corrigées par la densité spécifique sont moins influencées par l’âge, le sexe et la masse musculaire des individus que les résultats corrigés par la créatinine. Cependant, puisque plusieurs valeurs de référence disponibles à ce jour dans la littérature sont exprimées en fonction de la créatinine, il est important, avant de choisir un mode de correction, de considérer les unités dans lesquelles les dites valeurs de référence sont exprimées, afin de permettre une interprétation adéquate et une comparaison des données de surveillance biologique. À notre avis, la correction par la densité spécifique présente plusieurs avantages comparativement à celle par la créatinine, de telle sorte que l’utilisation de ce mode de correction devrait être considérée, sinon privilégiée, dans les études futures visant la proposition de valeurs de référence pour la surveillance biologique de l’exposition professionnelle.

Abstract

The use of spot sampling to measure urinary concentration of biomarkers is a common practice in biological monitoring of occupational exposure. To take account of the degree of urine dilution, the urinary concentrations measured in spot samples are usually corrected based on creatinine or urinary specific gravity. However, some authors question one or the other of these correction methods because they are too variable or do not accurately reflect the excretion mechanisms of biological indicators.

The purpose of this research was to determine the best correction method for taking account of the degree of urine dilution in spot samples.

A literature review on the topic was done for the period from January 1990 to June 2013. The IRSST’s Laboratory Information Management System (LIMS) was queried for the years 1985 to 2010 in order to document the correlation between corrected or uncorrected urinary concentrations of biological indicators of 22 substances investigated in this study. Descriptive statistics and modelling, using linear mixed effects models, were also applied to creatinine and specific gravity data.

The results of the literature review within this study show that creatinine correction may cause a significant bias in the measurement of exposure in individuals or populations of different age, gender, ethnicity and muscle mass, whereas specific gravity correction is apparently less influenced by these factors. Moreover, specific gravity measurement uses a simpler, more cost-effective method than creatinine measurement. These data suggest that specific gravity correction is a promising alternative to creatinine correction. Although specific gravity correction seems the most suitable, the choice of correction method should take into account the units in which the biological indicators of exposure (BIEs) are expressed. However, BIE values expressed based on these two correction methods can be rigorously calculated using the linear regression equations calculated in this study from LIMS data. These equations describe the correlation between creatinine-corrected and specific gravity-corrected concentrations for the indicators under investigation.

Changes in urinary output affect the excretion of most biological indicators, including creatinine and specific gravity measurement. Accordingly, in biological monitoring, it seems justified to reject urine samples that are too diluted (specific gravity < 1.010; creatinine < 4.4 mmol/l) or too concentrated (specific gravity > 1.030; creatinine > 26.5 mmol/l). Authors have proposed a correction method that takes account of the urinary output effect on the renal excretion of biological indicators. However, although this correction method seems justified and promising, its use is greatly restricted by a lack of reference value.

Descriptive statistics were done on creatinine and specific gravity data contained in the LIMS database. The mean creatinine values calculated in men (n=17,873) and women (n=2, 323) are 15.0 ± 6.4 and 10.9 ± 6.1 mmol/l, respectively. The results of the modelling suggest that creatinine concentrations in women are 25% to 30% lower on average than in men. The creatinine values found in this study are comparable to data published in other studies on workers.

The mean specific gravity values calculated in this study for men (n=17,811) and women (n=2,385) are 1.023 ± 0.006 and 1.019 ± 0.007, respectively. According to the modelling results, the specific gravity values are 10% (end of shift) and 15% (beginning of shift) lower on average in women than in men. For men, the results are 5% higher at the end of a work shift compared to a sample taken at the beginning of the shift. Other authors also report significantly lower mean specific gravity values in women compared to men. Thus, like creatinine, specific gravity values seem to be lower in women than in men, possibly due to a lower muscle mass in women.

The review of literature findings showed that specific gravity-corrected urinary concentrations and biological indicators are less influenced by an individual’s age, gender and muscle mass than creatinine-corrected results. However, because several reference values currently available in the literature are expressed based on creatinine, it is important to consider the units in which those reference values are expressed before choosing a correction method. This will allow for adequate interpretation and comparison of biological monitoring data. In our opinion, specific gravity correction has many advantages over creatinine correction, and so should be considered, if not prioritized, as a correction method in future studies aiming to propose reference values for biological monitoring of occupational exposure.

ISBN

9782896317288

Mots-clés

Test d'exposition, Exposure test, Substance toxique, Toxic substance, Dosage dans l’urine, Determination in urine, Excrétion de créatinine, Creatinine excretion, Différence liée au sexe, Sex difference, Étude comparée, Comparative study, Québec

Numéro de projet IRSST

2010-0059

Numéro de publication IRSST

R-821

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