Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2018

Langue

Français

Résumé

L’exposition aux bioaérosols de différents milieux de travail n’est pas étrangère au développement de maladies respiratoires; les moisissures y tiendraient d’ailleurs un rôle important. De par les activités qui y sont menées, certains milieux de travail génèrent de grandes quantités d’aérosols (incluant des moisissures), qui proviennent de la matière présente dans l’environnement. Des facteurs, tels que l’humidité relative et le type de ventilation du bâtiment peuvent accentuer l’effet de l’exposition aux moisissures dans les environnements touchés. La présence de moisissures dans l’air a d’abord été confirmée par l’emploi de méthodes d’analyse par culture. Ces méthodes dites classiques induisent un biais dans la représentation de la diversité fongique tant au niveau qualitatif que quantitatif. En effet, les méthodes d’analyse par culture ne permettent pas d’évaluer les risques réels auxquels font face les travailleurs lorsqu’ils sont en présence de moisissures non viables et/ou non cultivables dans les bioaérosols. Cela présente une lacune importante dans les connaissances disponibles concernant la diversité fongique des bioaérosols. Contrairement à la culture et à la quantification par amplification avec réaction en chaîne par polymérase (PCR) spécifique, les méthodes d’analyse taxonomiques à l’aide du séquençage d’ADN de nouvelle génération permettent d’étudier quantitativement et qualitativement la diversité fongique de l’air. Ces nouvelles approches de séquençage à haut débit nécessitent l’utilisation d’un segment standardisé du génome afin de pouvoir dresser un profil de diversité pour chaque échantillon. Pour l’étude des bactéries, le marqueur universel utilisé est le gène codant pour l’ARNr 16S. Toutefois, l’utilisation des séquences d’ADN pour identifier les moisissures se heurte au problème du choix de la région du génome à utiliser. À défaut d’avoir une région génomique parfaite, les différentes séquences proposées comme marqueurs universels fongiques et étudiées par la communauté scientifique depuis plusieurs années, présentent chacune des avantages et des inconvénients. Le gène codant pour la région ITS (Internal Transcribed Spacer) est le marqueur fongique universel choisi par le Consortium for the Barcode of Life (CBOL). L’ITS est une région située sur l’ADN génomique des eucaryotes entre les gènes codant pour l’ARNr 28S et 18S. Elle est composée de trois sous-régions : l’ITS1, l’ITS2 et le gène 5.8S.

Afin d’explorer l’association entre les bioaérosols, l’exposition aux moisissures et les effets sur la santé respiratoire, l’objectif général de cette activité de recherche était de proposer une méthode d’analyse permettant de déterminer, de manière quantitative, la diversité fongique des bioaérosols, sans égard à leur culture. D’une manière plus spécifique, deux marqueurs génomiques fongiques ont été ciblés par l’approche de séquençage de nouvelle génération, soit l’ITS1 et l’ITS2, afin de comparer leur efficacité à décrire la diversité fongique d’un environnement.

Pour ce faire, l’air contaminé particulièrement par la présence de moisissures a été échantillonné dans trois environnements de travail. Les sites de compostage et de biométhanisation ont été utilisés afin de mettre au point la méthodologie de traitement des échantillons ainsi que les régions de l’ADN fongique à cibler pour obtenir une grande diversité. Par la suite, un environnement pilote (fermes laitières) a été utilisé afin de comparer la performance de la méthode à celle des techniques classiques de culture.

Les millions de séquences obtenues à la suite du séquençage de l’ADN extrait des échantillons ont été traitées à l’aide d’un protocole bio-informatique développé de façon spécifique pour le projet. Les résultats indiquent une richesse et une diversité fongiques plus élevées lors de l’utilisation du gène codant pour la région ITS1. Ils ont été confirmés lors de l’application de l’approche développée pour le compost aux échantillons prélevés dans des usines de biométhanisation. La robustesse de cette méthode a permis de décrire l’exposition des travailleurs dans ces deux environnements caractérisés par le traitement des déchets. L’identification de genres de moisissures ayant un potentiel pathogène ou allergène dans l’air échantillonnés dans des environnements de travail suggère la nécessité d’utiliser des moyens de protection pour les travailleurs. Par la suite, l’adaptation de l’approche élaborée, incluant le protocole bio-informatique de traitement des données et l’analyse de l’écologie microbienne, a permis de décrire la composition fongique de l’environnement pilote. Les cinq fermes laitières échantillonnées présentaient un profil fongique différent, démontrant l’influence du type de bâtiment et de l’alimentation des vaches sur la composition fongique des échantillons d’air. Les méthodes de culture ont permis la description de certaines espèces non détectées par les méthodes de séquençage, phénomène bien décrit en bactériologie. Toutefois, la richesse et la diversité sont très faibles en utilisant les méthodes de culture. Ces méthodes omettent un grand nombre de genres de moisissures dans leur description de la diversité fongique des bioaérosols.

Complémentaire de la technique d’usage actuel, la méthodologie développée a permis d’obtenir un portrait beaucoup plus exhaustif et précis de la biodiversité fongique de l’air et de mieux comprendre les forces, les faiblesses et la complémentarité des méthodes disponibles. Elle pourra être utilisée dans l’étude de la diversité fongique des bioaérosols de l’air intérieur et extérieur.

L’utilisation de cette approche dans un nombre grandissant de protocoles et d’environnements permettra de documenter un aspect essentiel à la compréhension du rôle des moisissures présentes dans l’air, en lien avec les maladies pulmonaires professionnelles, en plus de fournir des données solides qui sont essentielles aux études d’exposition humaine aux bioaérosols.

Abstract

Exposure to bioaerosols in workplaces can have an impact on the development of respiratory diseases, and moulds appear to play a prominent role in this regard. Some workplaces, owing to the activities conducted there, generate large quantities of aerosols (including moulds) stemming from the materials in the environment. Factors such as the relative humidity and type of ventilation in a building may increase the effect of exposure to moulds in contaminated environments. In this study, the presence of moulds in the air was first confirmed using culture analysis methods. These classical methods introduce a bias, both qualitative and quantitative, in the representation of fungal diversity. Culture analysis methods do not allow assessment of the real risks workers face when exposed to non-viable and/or non-cultivatable moulds in bioaerosols. This is a serious shortcoming in the knowledge available about the fungal diversity of bioaerosols. Unlike culture and quantification by specific PCR (polymerase chain reaction) amplification, taxonomic analysis methods using next-generation DNA sequencing can be used for the quantitative and qualitative study of fungal diversity in the air. These new high-throughput sequencing approaches require the use of a standardized segment of the genome in order to be able to provide a diversity profile for each sample. For the study of bacteria, the universal marker used is the gene coding for 16S rRNA. However, using DNA sequences to identify moulds raises the problem of choosing which region of the genome to use. Unless a perfect genomic region is available, the different sequences proposed as primary fungal barcode markers, which have been studied by the scientific community for many years now, each have advantages and disadvantages. The gene coding for the ITS (Internal Transcribed Spacer) region is the primary fungal barcode marker chosen by the Consortium for the Barcode of Life (CBOL). The ITS is a region on eukaryotic genomic DNA between the genes coding for 28S and 18S rRNA. It consists of three subregions: ITS1, ITS2 and gene 5.8S.

To explore the association between bioaerosols, exposure to moulds and the effects on respiratory health, the main objective of this research project was to propose an analytical method for quantitatively determining the fungal diversity of bioaerosols, regardless of their culture. More specifically, two fungal genomic markers, ITS1 and ITS2, were targeted by the next-generation sequencing approach to compare their effectiveness at describing an environment’s fungal diversity.

To do so, particularly mould-contaminated air was sampled in three work environments. Composting and biomethanation sites were used to develop the sample-processing method, as well as to identify the fungal DNA regions to target to ensure broad diversity. Next, a pilot environment (dairy farms) was used to compare the method’s performance with that of classical culture techniques.

Millions of sequences obtained by sequencing DNA extracted from the samples were processed by following a bioinformatics protocol developed specifically for the project. The results indicated higher fungal richness and diversity when the gene coding for the ITS1 region was used. They were confirmed when the approach developed for compost was applied to the samples taken from biomethanation plants. Thanks to the method’s robustness, it was possible to describe worker exposure in these two environments characterized by waste processing. The identification of mould types having pathogenic or allergenic potential in work environment air samples suggests the need to implement safeguards for workers. Subsequently, adapting the approach developed, including the bioinformatics protocol for data processing and the microbial ecology analysis, helped to describe the fungal composition of the pilot environment. The five dairy farms sampled had different fungal profiles, indicating the influence of the type of building and cow diet on the fungal composition of the air samples. The culture methods made it possible to describe certain species not detected by the sequencing methods, a phenomenon well documented in bacteriology. However, fungal richness and diversity are very low when these culture methods are used. They omit a large number of types of moulds in their description of the fungal diversity of bioaerosols.

As a complement to the technique currently used, the method developed here produced a much more exhaustive and accurate picture of the fungal biodiversity of the air and contributed to an understanding of the strengths, weaknesses and complementarity of the available methods. It could also be used to study the fungal diversity of bioaerosols in indoor and outdoor air.

The use of this approach in a growing number of protocols and environments will help document an essential aspect of our understanding of the role of moulds in the air, in connection with occupational pulmonary diseases, as well as provide solid data essential to studies of human exposure to bioaerosols.

ISBN

9782897970123

Mots-clés

Moisissure, Mold, Échantillonnage et analyse, Sampling and analysis, Description de procédé, Process description, Aérosol, Aerosol, Air intérieur, Indoor air, Risque d'atteinte à la santé, Health hazard, Évaluation de l'exposition, Exposure evaluation

Numéro de projet IRSST

2014-0057

Numéro de publication IRSST

R-1019

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