Type de document

Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2018

Langue

Français

Résumé

Cette étude exploratoire vise à mieux connaître les rôles des cadres et représentants des travailleurs de mines souterraines québécoises, les éléments du contexte qui peuvent agir comme leviers ou obstacles à leurs actions en SST et à amorcer des réflexions sur ce qui peut les soutenir dans leurs rôles. Cette étude s’appuie sur une exploration de la littérature et sur une analyse secondaire des données recueillies lors d’un projet de recherche portant sur les conditions d’intégration des nouveaux travailleurs dans les mines (Ledoux, Beaugrand, Jolly, Ouellet, et Fournier, 2015).

Le projet de recherche a été réalisé grâce à la participation de cent quinze cadres, représentants des travailleurs, mineurs et opérateurs œuvrant dans des mines à ciel ouvert et souterraines québécoises. Les données, recueillies au moyen d’entretiens semi-dirigés d’une durée d’environ une heure et d’observations, ont été exploitées pour produire un premier rapport de recherche centrée sur la description des processus d’intégration (Ledoux et al., 2015). Des témoignages en lien avec l’exercice des rôles et des responsabilités des cadres et des représentants des travailleurs en matière de SST ont aussi été consignés lors des entretiens, mais ce sujet n’a pu être exploité à fond lors de la production du premier rapport (Ledoux et al., 2015). Il a donc été proposé à l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur minier (APSM) d’en dresser un portrait, ce qui a donné lieu à ce second rapport.

Afin d’ébaucher un portrait plus cohérent des rôles des cadres et des représentants des travailleurs, cette étude exploratoire s’appuie exclusivement sur les entretiens menés dans les trois mines souterraines étudiées. L’exploitation des mines souterraines impose une organisation du travail qui rend plus difficiles les interactions entre les différents acteurs et, conséquemment, génère des défis différents. Trente entretiens menés avec du personnel-cadre, ou assimilable à cette catégorie, quatre avec des représentants des travailleurs et vingt-trois avec des travailleurs des mines souterraines ont été considérés lors des analyses. Bien que la collecte de données du précédent projet se centrait sur le processus d’intégration des nouveaux travailleurs, quelques questions posées systématiquement, abordaient les rôles des personnes rencontrées. Au-delà de ces questions précises, les cadres et représentants de travailleurs ont aussi livré spontanément quantité d’information sur le contexte qui peut faciliter ou mettre à défi l’exercice de leur rôle en SST ou celui de leurs collègues. Puisque ces thèmes n’étaient pas explorés de façon similaire dans chaque entretien, les résultats ne peuvent prétendre à l’exhaustivité et ne sont pas généralisables. Malgré ces limites, exploiter les données déjà recueillies permet de mettre à disposition des informations originales sur un secteur dans lequel la collecte de données sur le terrain exige des efforts appréciables et coûteux (éloignement, accès difficile au terrain, etc.) de la part des équipes de recherche et du personnel des entreprises minières. Ainsi, le portrait issu des analyses décrit une part de ce que vivent les cadres (particulièrement les surintendants et les superviseurs de premier niveau) ou représentants des travailleurs, et peut ainsi constituer une base de réflexion pour les acteurs du secteur minier et pour les chercheurs qui désireraient s’engager dans des projets sur le sujet. Le rôle des représentants des travailleurs en matière de SST bénéficierait notamment d’être étudié plus en profondeur dans les prochaines recherches, pour mieux saisir les principaux défis auxquels ces acteurs de la prévention font face, les stratégies et moyens qu’ils utilisent, le soutien sur lequel ils peuvent compter en milieu syndiqué et non syndiqué.

L’exploration de la littérature, réalisée dans le premier volet de cette étude exploratoire, apporte un certain éclairage sur les rôles des cadres et des représentants des travailleurs en matière de SST, mais ne fait pas vraiment la lumière sur le contexte dans lequel ils l’exercent dans le secteur minier québécois.

L’analyse des données d’entretien de cette étude exploratoire montre que les surintendants assument une vaste étendue de responsabilités touchant la SST. Malgré la révision des structures organisationnelles, il semble que le contexte d’accroissement des activités minières (qui avait cours au moment de la collecte de données en 2010-2012), de mouvement de la main-d’œuvre et de pénurie de personnel expérimenté les place dans des conditions de surcharge de travail et d’appréhension. Une distance, qui peut créer des tensions, est constatée entre ce qu’ils désirent accomplir et ce qu’ils réussissent à faire compte tenu des obligations mobilisant leur temps et des contraintes du milieu. Cet état paraît exacerbé lorsque le surintendant est lui-même en période d’intégration à son poste.

Les superviseurs, de leur côté, se voient confier un grand nombre de responsabilités qui doivent s’inscrire dans un cadre temporel peu flexible qui est dicté par l’horaire de montée et de descente des ascenseurs dans la mine souterraine. En plus des aléas quotidiens de production, plusieurs conditions s’additionnent pour rendre difficile l’atteinte de leurs objectifs par exemple le temps de présence auprès des travailleurs. La charge ressentie peut être lourde.

Enfin, malgré l’information très limitée recueillie au sujet des représentants des travailleurs, l’équipe de recherche a pu constater leur participation formelle à nombre d’activités en SST. À l’instar des cadres, les représentants des travailleurs ont la volonté manifeste d’assurer une présence sur le terrain et leurs responsabilités peuvent leur sembler lourdes par moment. Leurs approches ont pour base la confiance, la collaboration, la ténacité, mais ils ont aussi recours au service d’inspection de la CNESST lorsqu’ils estiment qu’une situation à risque n’est pas prise en charge avec suffisamment d’attention.

La collaboration entre les travailleurs et les cadres est au cœur des dispositifs mis en place par diverses législations pour prévenir les lésions professionnelles. Les résultats montrent que la collaboration n’est pas toujours facile, tous ne partagent pas la même vision de la SST et n’y accordent pas la même priorité, cela est vrai tant dans les relations travailleurs-cadres et dans celles cadres-cadres. La reconnaissance de la valeur des rôles de chacun, la transparence dans les relations, la cohérence dans les actions et l’engagement de la haute direction à obtenir des résultats concrets, paraissent des facteurs favorables à l’établissement de la collaboration selon les témoignages recueillis.

Bien que les mines travaillent à l’amélioration de la SST de façon continue, les cadres et les représentants des travailleurs ont aussi fait part à l’équipe de recherche de problèmes qui subsistaient ou de conditions qui leur paraissent moins propices à remplir les objectifs attendus et à assurer la santé et la sécurité à leur satisfaction. L’exemple de l’élaboration et de la mise en application des procédures illustre certaines de ces conditions. De plus, entre les valeurs édictées dans la vision stratégique de l’entreprise et la manière dont se traduisent ces valeurs dans le fonctionnement de la mine et dans son style de gestion, une certaine ambiguïté peut exister quant à la priorité réellement accordée à la SST.

Enfin, ces analyses ont permis de dégager quelques avenues formulées par les acteurs eux-mêmes pour soutenir la prise en charge de la SST dans l’exercice de leurs fonctions respectives, qui devraient être étoffées par des recherches ultérieures. Avec toutes les limites qui s’imposent liées à l’approche exploratoire de cette étude, ces avenues suggèrent de renforcir le soutien à tous les niveaux, de « prendre soin » des personnes qui choisissent de s’engager en prévention et de reconnaître le besoin de temps et de ressources pour que la SST, au-delà des engagements formulés dans les énoncés de vision des entreprises, s’intègre à tous les niveaux de l’organisation et transforme aussi l’organisation des opérations.

Abstract

The aim of this exploratory study is to learn more about the roles of managers and worker representatives in underground mines in Quebec and the context-specific factors that can hinder or facilitate their OHS actions, and to spark debate about what can support them in their roles. The study is based on an exploration of the literature and a secondary analysis of the data collected in a research project on the conditions of onboarding new mine workers (Ledoux, Beaugrand, Jolly, Ouellet, and Fournier, 2015).

The research project involved the participation of 115 managers, worker representatives, miners and operators working in open-pit and underground mines in Quebec. The data, gathered from semistructured interviews of approximately one hour, as well as from observations, were used to produce a first research report that focused on the description of the onboarding processes (Ledoux et al., 2015). First-person accounts from managers and worker representatives regarding their OHS roles and responsibilities were also documented during the interviews, but it was impossible to explore this topic fully at the time the first report was produced (Ledoux et al., 2015). It was therefore proposed to the Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur minier [Quebec mining industry joint OHS association] that a profile of the situation be drawn up, which is what led to this second report.

In order to sketch a more comprehensive picture of the roles of managers and worker representatives, this exploratory study is based exclusively on the interviews conducted at the three underground mines studied. The operation of an underground mine requires a work organization that makes interactions between the various players more difficult and, as a result, entails different challenges. Thirty interviews with management employees, or with others who could be included in that category, four with worker representatives and 23 with underground mine workers were taken into consideration in the analyses. Although the data gathering of the earlier project focused on the onboarding of new workers, a few systematically asked questions concerned the roles of the people interviewed. Beyond these specific questions, the managers and worker representatives also spontaneously provided a great deal of information about the context that can help or hamper them or their colleagues in performing their OHS roles. As these topics were not explored in the same way in each interview, no claims can be made about the results being exhaustive or generalizable. Despite these limitations, using already gathered data helps to make available original information about an industry in which collecting data in the field involves considerable effort and costly outlays (remote locations, difficult site access, etc.) for research teams and mining company staff. The profile resulting from the analyses describes a part of what company managers (especially superintendents and top-level supervisors) or worker representatives experience, and can therefore provide a point of departure for mining industry players and for researchers who might want to undertake studies in this area. The role of OHS worker representatives would benefit from being examined in greater depth in further research projects, to get a better understanding of the main challenges these prevention stakeholders face, the strategies and means they use, and the support they can count on in unionized and non-unionized settings.

The review of the literature, conducted in the first section of this exploratory study, provides insights into the OHS roles of managers and worker representatives, but does not really shed light on the context in which they perform these roles in Quebec’s mining industry.

Analysis of the interview data from the exploratory study shows that superintendents assume a very broad range of OHS responsibilities. Despite the overhaul of organizational structures, it seems that the context of burgeoning activity in the mining sector (at the time the data were collected in 2010֪–2012), labour movement and a shortage of experienced workers subjected superintendents to heavy workloads and considerable anxiety. A tension-inducing discrepancy was noted between what they wanted to achieve and what they were able to do, given their time-consuming obligations and the context-specific constraints. This situation can be exacerbated if superintendents themselves are in the process of taking up new positions.

Supervisors are assigned a large number of duties that they must fit into a rather inflexible time frame that is dictated by the schedule for the raising and lowering of the hoists in the underground mine. On top of daily production uncertainties, a number of conditions, such as the amount of time they actually spend with workers, add up to make it difficult for them to achieve their objectives. They, too, can feel that they have a very heavy workload.

Last, despite the fact the information gathered regarding worker representatives was very limited, the research team noted that they formally took part in a number of OHS activities. Like managers, worker representatives clearly want to be in the field, and their responsibilities may seem to them to weigh heavily from time to time. Their approach is based on trust, co-operation and tenacity, but they also resort to using the CNESST inspection service when they feel that a hazardous situation is not being given due care and attention.

Co-operation between workers and managers is a crucial part of the provisions implemented under various pieces of legislation to prevent occupational injuries. The results show that co-operation is not always easy, as not everyone shares the same vision of OHS and gives it the same priority, which is true with respect to both worker-manager relations and manager-manager relations. Recognition of the value of each person’s role, transparency in relations, consistency in actions and commitment from senior management to obtain concrete results appear to be factors that foster co-operation, according to the personal accounts gathered.

While mines are continuously working to improve OHS, managers and worker representatives also told the research team about problems that persist or conditions they feel are less conducive to fulfilling the expected objectives and ensuring a satisfactory health and safety situation. The example of the development and implementation of procedures illustrates some of these conditions. Furthermore, between the values set out in a company’s strategic vision and the way these values are applied in the operation of the mine and the company’s management style, a certain ambiguity may exist with regard to the priority really given to OHS.

Finally, these analyses have helped to identify some avenues described by the stakeholders themselves for supporting how OHS responsibility is assumed in the carrying out of their respective duties, which need to be explored through further research. With all the limitations related to the exploratory nature of this study, these avenues suggest a need to strengthen support at all levels, to “take care” of people who opt to get involved in prevention and to recognize the need for time and resources so that OHS, beyond the undertakings made in a company’s vision statement, becomes an integral part of all levels of an organization, which includes transforming how operations are organized.

ISBN

9782897970055

Mots-clés

Mine souterraine, Underground mine, Santé et sécurité du travail, Occupational health and safety, Organisation de la prévention dans l'entreprise, Plant safety and health organisation, Organisation du travail, Work organisation, Enquête par entrevue, Interview survey, Gestion d'entreprise, Business management, Rôle des cadres, Role of supervisory staff, Personnel de la prévention, Safety and health personnel

Numéro de projet IRSST

2015-0032

Numéro de publication IRSST

R-1016

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