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Rapports de recherche scientifique

Année de publication

2018

Langue

Français

Résumé

Bien que les ceintures lombaires (CL) soient inefficaces pour prévenir un premier épisode de lombalgie, l’avancement des connaissances soutient leur utilisation chez les travailleurs souffrant déjà de ce mal. Dans la perspective où un retour au travail tardif risque de nuire à la condition de santé des travailleurs, l’option du port de la CL peut potentiellement être avantageuse, car elle pourrait permettre, lors du retour progressif au travail, d’apporter un soutien psychologique afin de rassurer le patient. Cela pourrait donc représenter un outil additionnel, parmi les moyens entrepris pour intervenir sur les facteurs psychosociaux reliés à l’individu et son environnement de travail, pour faciliter ce retour au travail et également pour aider le travailleur à se maintenir au travail. Cependant, il importe aussi que la CL apporte un support biomécanique en matière de stabilité mécanique de la colonne vertébrale lombaire afin de rehausser la sécurité du travailleur. Deux catégories de ceintures souples permettent un niveau suffisant de confort pour être utilisées en milieu de travail, soit les ceintures (1) extensibles (élastiques) ou CL-E; (2) non extensibles ou CL-NE. La présente étude a pour but de comparer ces deux catégories de CL en ce qui a trait aux soutiens psychologique et biomécanique qu’elles prodiguent, cela autant chez des sujets en santé que chez des sujets avec maux de dos (lombalgies). À titre exploratoire, il devenait aussi pertinent de vérifier si différents sous-groupes de sujets lombalgiques, déterminés en fonction d’hypothèses biomécanique (instabilité lombaire) ou psychologique (peurs du mouvement ou de la douleur), présenteraient des effets biomécaniques différents. Dans la perspective de l’évaluation de l’effet du port d’une CL dans un éventuel essai clinique, il était nécessaire d’évaluer, aussi à titre exploratoire, certaines variables associées à l’adoption à ce type d’intervention.

Deux groupes de sujets, répartis également selon le sexe, ont été comparés, soient 20 sujets sains et 40 sujets lombalgiques; ces derniers démontrant de grandes variations au regard des signes d’instabilité lombaire (dimension biomécanique) et de peur du mouvement (dimension psychologique). Deux séances en laboratoire ont permis d’évaluer différents paramètres psychologiques et biomécaniques lors de trois conditions expérimentales (sans CL, CL-E, CL-NE). Séance 1 : (1) douleur (sujets lombalgiques); (2) proprioception lombaire à l’aide d’une chaise motorisée permettant des mouvements (10º) en rotation axiale (torsion) de la région lombaire; (3) contrôle postural du tronc sur une chaise instable; (4) rigidité de la colonne lombaire à l’aide d’un appareil permettant de générer de légères secousses (avant et arrière) du tronc. Séance 2: (avec mesures d’activation musculaire et de mouvements): (5) ajustements posturaux anticipatoires (préactivation des muscles du tronc précédant une perturbation anticipée) à une flexion rapide du bras droit; (6) coordination musculaire et étendue de mouvement lombaires lors de trois tâches standardisées. Ces trois tâches étaient des levées/dépôts de caisses, des flexions maximales du tronc vers l’avant et retour en position verticale et de légères (± 20º) flexions et extensions du tronc près de la position neutre (verticale). Lors des deux séances, des questions portant sur les peurs liées à la douleur ont été posées aux sujets lombalgiques après exécution de certaines de ces tâches, soit celles qui étaient les plus menaçantes pour la colonne lombaire. De façon exploratoire, les sujets lombalgiques ont aussi été interrogés, à la fin de la séance 2, sur des éléments présumés associés à l’adoption du port d’une CL, soit leurs attitudes favorables au port d’une CL, leur sentiment d’efficacité fonctionnelle et la stigmatisation anticipée de la part de leur entourage. Les résultats recueillis en laboratoire ont été analysés de manière à non seulement comparer les trois conditions expérimentales (sans CL, CL-E, CL-NE), mais aussi pour comparer les groupes (sujets sains et lombalgiques), et plus encore pour comparer des sous-groupes de sujets lombalgiques constitués en fonction de mesures qui sont présumées associées à l’instabilité lombaire ou à la peur du mouvement/douleur, cela en fonction des hypothèses biomécaniques et psychologiques qui soutiennent le port d’une CL.

Plusieurs effets immédiats des CL ont été étudiés, mais ils étaient équivalents entre les deux CL souples (CL-E et CL-NE). En effet, ni les mesures associées à la douleur, ni les mesures biomécaniques, ni les mesures potentiellement associées à l’adoption d’une ceinture, ni même la préférence pour l’une ou l’autre des CL n’a permis de déterminer quelle CL pouvait générer des effets positifs. Les deux CL semblent donc offrir les mêmes avantages, du moins en ce qui a trait aux effets immédiats. Sur le plan mécanique, ces résultats suggèrent aussi que la CL-NE ne produirait pas plus de pression intra-abdominale que la CL-E, par son manque d’extensibilité lors de perturbations ou changements de posture du tronc.

Les deux CL ont engendré une diminution de la douleur en position debout et une diminution de la peur et de la dramatisation de la douleur lors de différentes tâches jugées menaçantes pour la région lombaire, notamment celles qui imposent un chargement plus important sur les structures. En ce qui a trait aux variables biomécaniques, plusieurs effets semblables ont été observés et démontrés entre les sujets sains et les sujets lombalgiques. Tout d’abord, les effets sur les variables liées aux mécanismes du contrôle moteur étaient mixtes, c’est-à-dire sans effet sur la proprioception lombaire et avec des effets de faible amplitude qui étaient tantôt favorables, tantôt défavorables, en ce qui a trait aux ajustements posturaux anticipatoires et à l’équilibre postural. Ensuite, les variables biomécaniques associées aux effets mécaniques ont produit des conséquences plus claires et positives au regard de la hausse de la rigidité lombaire, de la diminution de la flexion lombaire maximale et de la réduction de l’activation des muscles du tronc. Finalement, les effets sur le plan fonctionnel, c’est-à-dire lors d’une tâche de levées/dépôts de caisses, ont aussi été positifs en étant associés à une réduction de la flexion lombaire sans, en contrepartie, affecter négativement le mouvement des segments adjacents tel que la flexion thoracique, du bassin ou des genoux.

Dans l’ensemble, l’exploration de la présence possible de sous-groupes cliniques, formés sur la base d’hypothèses biomécanique (stabilité lombaire) et psychologique (peur de la douleur/mouvement), n’a pas été concluante, mais demeure une idée à considérer dans un éventuel essai clinique permettant d’étudier les effets à long terme. Par contre, l’étude exploratoire des variables qui sont présumées associées à l’adoption du port d’une CL, soient les attitudes favorables au port d’une CL, le sentiment d’efficacité fonctionnelle et la stigmatisation anticipée mesurés chez les sujets lombalgiques a produit des résultats encourageants, peu importe l‘âge et le sexe des participants. Ces résultats laissent même croire en une association entre les attitudes favorables au port d’une CL et la diminution des peurs et de la dramatisation de la douleur lors des tâches jugées menaçantes pour le dos.

En somme, les variables psychologiques associées à la douleur et celles qui sont présumées associées à l’adoption du port d’une CL soutiennent l’hypothèse que ce port aurait pour effet de rassurer les patients souffrant d’une lombalgie, ce qui en retour pourrait favoriser le maintien au travail en périodes de récidives ou accélérer le retour au travail des travailleurs en période d’absence. Les variables biomécaniques, de leur côté, indiquent que les effets mécaniques ont le potentiel de rendre cette pratique sécuritaire. Un essai clinique randomisé visant la prévention secondaire (prévention de l’arrêt de travail) et tertiaire (prévention de l’arrêt prolongé) serait nécessaire pour vérifier ces hypothèses auprès d’une population de travailleurs dans la phase subaiguë de leur lombalgie ou souffrant d’une lombalgie récurrente.

Abstract

Although lumbar support belts (LSBs) are not effective at preventing a first episode of low back pain (LBP), the advancement of knowledge now favours their use by workers who already have this kind of pain. On the assumption that a delayed return to work risks harming workers’ health, the option of wearing an LSB may potentially be beneficial during a gradual return to work, since it could provide psychological support to reassure the patient. Thus, this could represent an additional tool among the various methods used to intervene with the psychosocial factors related to individuals and their work environments in order to facilitate a return to work and also help workers stay at work. Nevertheless, it is also important for the LSB to provide biomechanical support in the sense of mechanical stability for the lumbar spine in order to enhance workers’ safety. Two kinds of flexible belts are sufficiently comfortable to be used in the workplace: (1) elastic belts (E-LSBs); and (2) non-elastic belts (NE-LSBs). The purpose of this study was to compare these two classes of LSBs in terms of the psychological and biomechanical support they provide for both healthy subjects and subjects with LBP. On an exploratory basis, it was also relevant to verify whether different subgroups of subjects with LBP, classified on the basis of biomechanical (lumbar instability) or psychological (fear of movement or pain) hypotheses, would experience different biomechanical effects. With a view to assessing the effect of wearing an LSB in a potential clinical trial, it was necessary to evaluate certain variables associated with the adoption of this type of intervention, also on an exploratory basis.

Two groups of subjects, divided equally according to sex, were compared: 20 healthy subjects and 40 subjects with LBP; the latter showed substantial variations with regard to signs of lumbar instability (biomechanical dimension) and fear of movement (psychological dimension). Two sessions in the laboratory enabled us to assess different psychological and biomechanical parameters in three experimental conditions (no LSB, E-LSB, NE-LSB). Session 1: (1) pain (subjects with LBP); (2) lumbar proprioception, measured with an instrumented chair that allows for movement (10°) in axial rotation (torsion) of the lumbar region; (3) postural control of the trunk on an unstable chair; (4) lumbar spine rigidity, measured with a device that generates mild jolts (front and back) to the trunk. Session 2: (with measurements of muscle activation and movement): (5) anticipatory postural adjustments (preactivation of trunk muscles preceding an anticipated disturbance) to a rapid flexion of the right arm; (6) lumbar muscle coordination and range of motion during three standardized tasks. These three tasks were lifting and putting down crates, maximum trunk flexions forward and back to the vertical position, and slight (±20°) trunk flexions and extensions close to the neutral (vertical) position. During both sessions, LBP subjects were asked questions about their fears related to pain after executing some of these tasks, namely the ones that pose the greatest threat to the lumbar spine. On an exploratory basis, LBP subjects were also questioned, at the end of session 2, about some factors presumed to be associated with wearing an LSB, namely favourable attitudes to wearing an LSB, their feelings about its functional effectiveness, and anticipated stigmatization by the people around them. The data gathered in the laboratory were analyzed not only to compare the three experimental conditions (no LSB, E-LSB, NE-LSB) but also to compare the groups (healthy subjects and LBP subjects) and, even more importantly, to compare subgroups of LBP subjects identified on the basis of measures that are assumed to be associated with lumbar instability or fear of movement/pain, given the biomechanical and psychological hypotheses that promote the wearing of an LSB.

Several immediate effects of LSB use were studied, but they were equivalent for both types of flexible LSBs (E-LSB and NE-LSB). In fact, neither the measures associated with pain nor the biomechanical measures nor the measures potentially associated with deciding to wear an LSB nor even the preference for one LSB or the other determined which belt would have positive effects. Thus, both LSBs appear to provide the same benefits, at least with regard to immediate effects. On the mechanical level, these results also suggest that the NE-LSB does not produce more intra-abdominal pressure than the E-LSB, due to its lack of elasticity during disturbances to or changes of trunk posture.

Both LSBs resulted in decreased pain in a standing position and decreased fear and dramatization of pain during various tasks considered to endanger the lumbar region, especially those that apply a greater load to spinal structures. Regarding the biomechanical variables, many similar effects were observed and demonstrated in the healthy subjects and the LBP subjects. First of all, the impacts on the variables related to motor control mechanisms were mixed: that is to say, there was no effect on lumbar proprioception and low-level effects that were sometimes favourable and sometimes unfavourable on anticipatory postural adjustments and postural equilibrium. The biomechanical variables associated with mechanical effects produced clearer positive impacts with regard to an increase in lumbar spine rigidity, a decrease in maximum lumbar flexion and a reduction in trunk muscle activation. Finally, functionally speaking, the effects during the task that involved lifting and putting down crates were also positive, as they were associated with a reduction in lumbar flexion without, however, a negative impact on the movement of adjacent segments such as flexion of the thorax, pelvis or knees.

Overall, exploration of the possible existence of clinical subgroups, formed on the basis of biomechanical (lumbar stability) and psychological (fear of pain or movement) hypotheses was not conclusive but remains a possibility to consider in a potential clinical trial studying the long-term effects. On the other hand, the exploratory study of the variables that are presumed to be associated with wearing an LSB, namely favourable attitudes to wearing an LSB, a feeling of functional effectiveness and anticipated stigmatization, as measured in the LBP subjects, produced encouraging results, regardless of participants’ age and sex. These results even lead us to believe that favourable attitudes to the wearing of an LSB may be associated with reduced fear and dramatization of pain during tasks considered to be harmful for the back.

To sum up, the psychological variables associated with pain and those that are presumed to be associated with wearing an LSB support the hypothesis that wearing such a belt can reassure patients with LBP, which in turn could favour continuation at work during periods of recurrence or speed up the return to work after periods of absence. For their part, the biomechanical variables indicate that the mechanical effects have the potential to make this practice safe. A randomized clinical trial targeting secondary (prevention of medical leave) and tertiary (prevention of long-term leave) prevention is necessary to verify these hypotheses with a population of workers in the subacute phase of their LBP or workers with recurring pain.

ISBN

9782896319673

Mots-clés

Ceinture lombo-abdominale, Lifting belt, Effet psychologique, Psychological effect, Effet biologique, Biological effect, Maux de dos, Backache, Soulèvement des charges, Manual lifting, Mécanique humaine, Body mechanics, Enquête par questionnaire, Questionnaire survey, Évaluation ergonomique, Ergonomic evaluation, Posture de travail, Work posture, Détermination expérimentale, Experimental determination, Détermination graphique, Graphic determination, Statistiques, Statistics, Québec

Numéro de projet IRSST

2012-0055

Numéro de publication IRSST

R-997

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