Type de document
Rapports de recherche scientifique
Année de publication
2009
Langue
Français
Résumé
Pour contrer le fléau des troubles musculo-squelettiques (TMS), la Commission de la santé et de la sécurité du Québec (CSST) a expérimenté, vers les années 2004-2005, une nouvelle approche en prévention. Selon cette approche, des entreprises sont ciblées sur la base des TMS compensés. Un inspecteur se présente en entreprise et, à l’aide de l’outil QEC, évalue les facteurs de risque sur le ou les postes pour lesquels des réclamations ont été acceptées. Dans le cas où il y a présence de risque, l’inspecteur somme l’entreprise de corriger la situation. L’entreprise est libre d’utiliser l’intervenant de son choix et l’approche d’intervention qu’elle souhaite. Plusieurs inspecteurs ont été formés à cette approche et de nombreuses interventions de prévention ont été initiées en entreprise. Le suivi de ces interventions représentait une opportunité inespérée pour enrichir nos connaissances sur l’intervention ergonomique. En 2005, à la demande de la CSST, un cadre conceptuel et un projet d’envergure ont été développés afin de faire le suivi d’un vaste échantillon d’interventions initiées par les inspecteurs.
Pour plusieurs raisons, il a été décidé de procéder d’abord à une étude préliminaire de plus faible envergure. Les objectifs de cette première étude étaient doubles : évaluer la faisabilité d’une étude d’envergure et donner un premier regard sur le processus des interventions initiées par les inspecteurs et sur leurs impacts. Selon le cadre conceptuel développé, il fallait pour atteindre les objectifs caractériser les facteurs qui influencent l’intervention et ses impacts, à savoir, l’intervenant et le contexte de l’entreprise.
Le projet a été réalisé en collaboration avec six inspecteurs et un suivi a été effectué sur huit situations de travail réparties dans sept entreprises. Deux grands types de données ont été recueillis. Premièrement, des mesures avant et après l’implantation de correctifs sur les facteurs de risque présents aux postes de travail ciblés ont été réalisées à l’aide de dix méthodes reconnues et selon la perception d’un expert en ergonomie.
Deuxièmement, des études de cas pour décrire l’intervention et ses résultats ont été réalisées. Un ou deux ergonomes visitaient l’entreprise après l’implantation des transformations et interrogeaient un ou deux travailleurs impliqués, un représentant patronal et syndical de même que la personne en charge de l’intervention. Les inspecteurs impliqués étaient aussi interrogés par téléphone. Les entretiens permettaient de décrire : le contexte de l’entreprise (caractéristiques de l’entreprise et de sa population, culture et organisation de la SST); l’intervenant en charge de l’implantation des correctifs; le processus d’intervention; la situation de travail analysée et ses principales difficultés; les transformations implantées et les résultats obtenus. Les résultats étaient décrits quant aux impacts sur la situation de travail mais également quant aux impacts plus généraux sur l’entreprise et les représentations des acteurs. De plus les difficultés rencontrées lors de la réalisation du projet ont été documentées pour évaluer la faisabilité d’un projet d’envergure.
Sur les huit cas, il y en a eu six où il y a eu implantation de correctifs durant la durée du projet. Une entreprise a décidé de revoir tous ses postes et n’avait pas encore implanté de transformations à la fin du projet alors que le contact a été perdu entre l’équipe projet et une autre entreprise. Les résultats portent donc sur six cas.
Premier constat : les entreprises n’ont fait appel à un expert en ergonomie que dans un seul cas. Le projet permet donc de décrire les pratiques naturelles en entreprise en l’absence d’intervenant externe spécialiste en ergonomie.
Tout semble indiquer que l’approche de la CSST a des impacts positifs. Ainsi, dans les six cas où il y a eu suivi, des transformations variées ont été implantées. Il s’agit de transformations significatives. Ce sont donc des interventions sérieuses qui ont été menées, il ne s’agissait pas uniquement de transformations « cosmétiques » ou de « quick fix ». Il faut souligner qu’il y a eu implantation de transformations de différentes natures : les outils et les équipements sont touchés, mais la formation, les méthodes de travail et l’organisation du travail ont aussi été revues. Toutefois, les délais d’implantation sont beaucoup plus longs qu’anticipés au début de l’étude : de 8 à 12 mois. L’impact des transformations a été évalué selon différentes perspectives. Dans la majorité des cas, on juge les transformations comme étant assez satisfaisantes alors que dans un cas on les qualifie de très satisfaisantes. Dans quatre cas il y a une réduction des facteurs de risque selon l’évaluation de l’expert et des méthodes d’évaluation utilisées. Dans un cas il y a surtout eu réduction des contraintes cognitives alors que dans une situation de travail l’impact des transformations a été trop faible pour être capté par la procédure de l’expert ou par les méthodes d’évaluation.
Dans tous les cas la productivité a été améliorée et, sauf un cas où la qualité était déjà optimale, celle-ci est toujours améliorée. Il y a tout lieu de croire qu’il y a un impact sur les représentations des acteurs. On dit que la façon de voir les TMS a été changée dans trois cas et une amélioration des dispositions en prévention apparaît dans deux cas. Il s’agit là de facteurs favorables à des effets durables sur la prévention des TMS. Par ailleurs, des effets sur les relations entre les différents acteurs sont notés dans la majorité des cas. Dans un cas, il ressort nettement que le processus de transformation a induit chez les travailleurs une approche plus réflexive : ils discutent plus, réfléchissent davantage aux problèmes.
Quant aux difficultés rencontrées, des modifications ont dû être apportées aux questionnaires utilisés. Il apparaît aussi que les intervenants ont de la difficulté à verbaliser les façons de faire utilisées dans leur intervention. La plus grande difficulté rencontrée est de négocier l’entrée dans l’entreprise et les libérations requises pour réaliser les études de cas. Les entreprises ne comprennent pas le besoin de faire un suivi des interventions.
Avant de conclure, il faut mettre en perspective ces résultats plutôt positifs. Trois facteurs ont pu contribuer à surestimer les résultats. Un, il s’agit d’entreprises de grande taille au contexte plutôt favorable. Deux, il s’agit d’inspecteurs sélectionnés et, trois, les tâches analysées étaient de nature répétitive, donc moins complexes à analyser que des tâches variées.
En conclusion, le suivi d’interventions sur un échantillon de huit situations de travail suggère fortement que les interventions de prévention des inspecteurs de la CSST ont des impacts positifs dans les entreprises. L’étude démontre la faisabilité d’une recherche de plus grande envergure, conditionnellement à quelques améliorations, principalement l’introduction des chercheurs de l’équipe dans les entreprises. Le suivi des interventions des inspecteurs permet de décrire les pratiques naturelles des intervenants internes à l’entreprise, dont l’étude est essentielle pour améliorer la prévention dans les milieux de travail.
Pour conclure de façon plus ferme une étude de plus grande envergure est requise.
ISBN
9782896313709 (PDF)
9782896313693 (version imprimée)
Mots-clés
Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec, Troubles musculosquelettiques, Musculoskeletal disease, Institution publique de prévention, Public osh institution, Personnel de la prévention, Safety and health personnel, Inspecteur de travail, Labour inspector, Contrôle de la prévention dans l'entreprise, Work safety and health supervision, Vérification de sécurité, Safety check, Évaluation du risque, Hazard evaluation, Suggestion de prévention, Safety suggestion, Étude comparée, Comparative study, Québec
Numéro de projet IRSST
0099-6000
Numéro de publication IRSST
R-610
Citation recommandée
St-Vincent, M., Imbeau, D., Denis, D., Gonella, M. et Aubry, K. (2009). Suivi de huit interventions de prévention des TMS initiées par des inspecteurs de la CSST : étude exploratoire (Rapport n° R-610). IRSST. https://pharesst.irsst.qc.ca/rapports-scientifique/536
